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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/696

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en soi, demeurent peu de chose par ce qu’ils procurent ; et, dans le Nord comme à Paris, dans les industries textiles comme dans la mode et dans la couture, comment ne pas songer avec angoisse à celles pour qui ce n’est pas un salaire d’appoint, mais tous les moyens d’existence ; qui n’ont ni mari, ni père ; qui sont seules ; que le mal guette sous mille formes, dont la pire est peut-être qu’il leur faille plus que de l’héroïsme, de la sainteté, pour rester seules ? Elles n’ont, aussi bien, créatures de chair chez qui l’on n’a pas eu le loisir de cultiver l’esprit et d’affermir la conscience, que trop de penchant à ne pas le rester. Combien de jeunes gens et de jeunes filles ne pensent qu’à s’affranchir du joug de leurs parens, à quitter la maison, à s’en aller en quelque chambre garnie fonder un faux ménage !

Ce n’est certes pas que le bon exemple manque, mais le mauvais abonde et éclate : les pères et les frères eux-mêmes ne se retiennent pas d’en donner le scandale. Trois jours de cabaret, le samedi, le dimanche et le lundi, sans compter, pour les hommes, les combats de coqs et les concours de pigeons, avec les paris qui s’y engagent et les ripailles qui les accompagnent ; pour les femmes, la toilette, et, de temps à autre, des goûts ou des défauts moins innocens… L’extrême difficulté de la vie, l’extrême facilité de la tentation ; et voilà comment s’ouvre et s’envenime une plaie sociale ! Les démagogues du socialisme ont tort de dire que la faute en est tout entière aux patrons ; mais les patrons auraient tort de se désintéresser de la question en disant simplement que « ces bons apôtres » ont, devant eux, s’ils le veulent « un beau champ d’évangélisation. » Il y a de la faute des uns et des autres ; il y a à « évangéliser » chez les uns et chez les autres ; et, sans prétendre refaire le monde, rien que pour l’empêcher de se défaire, il y a à faire pour tout le monde.


Établissement C. — Filature de jute.

Presque tout ce qu’on vient de dire de la filature du lin pourrait être dit également de la filature du jute. Cependant le jute a sur le lin un avantage : il ne dégage pas de poussière ou en dégage peu ; et comme, pour être travaillé, il est arrosé au préalable d’eau et d’huile, sa poussière, humide et lourde, tombe au lieu de s’élever.