Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il y insère une jeune branche de poirier. On ne peut se défendre, au moins les premières fois, d’un mouvement de surprise ou d’admiration en constatant, quelque temps après ce traitement apparemment aventureux, que la reprise a eu lieu, que le rameau greffé (greffon) a fait corps avec la tige porte-greffe (sujet), qu’il a grandi, qu’il s’est développé dans cette nouvelle situation, qu’il a fleuri, qu’il a fructifié, et qu’il est devenu entièrement pareil à l’arbre souche. Ce « greffage de rameaux » est un des procédés de greffe les plus usités.

Il y en a d’autres. Le « greffage des bourgeons » est un second type. Cette fois, ce n’est pas une branche tout entière que l’horticulteur dépayse et transpose d’une plante sur une autre ; c’en est un fragment, une petite portion, un simple bourgeon ou œil.

De longs détails sur la variété des moyens par lesquels on opère ces greffages par bourgeons seraient oiseux. Il faut les laisser aux traités spéciaux d’agronomie. Nous rappellerons seulement l’existence d’un troisième procédé, celui du « greffage par rapprochement. » C’est l’opération par laquelle on soude sur une certaine étendue une plante à sa voisine sans leur faire subir d’autre changement. On laisse à chacune sa tige, ses branches et ses feuilles, c’est-à-dire son appareil d’assimilation ; et on lui laisse aussi ses racines, c’est-à-dire son appareil d’absorption. La Nature nous en offre spontanément des exemples. Il n’est pas rare de rencontrer dans une forêt deux arbres contigus dont les frottemens ont entamé l’écorce : les tissus jeunes sous-jacens, dans lesquels réside la plus grande activité végétative, venant à s’affronter, la soudure se produit et la continuité de tissu s’établit entre les deux plantes. Les horticulteurs réalisent artificiellement des greffes de ce genre. Le moyen a servi pour former des haies impénétrables. — Chaque plante, dans ce mode de symbiose, vit par ses propres moyens, d’une vie presque complètement indépendante de celle de sa voisine : elle est donc dans une condition défavorable pour exercer sur son associée ou pour en recevoir une action modificatrice énergique. Cette disposition, qui est assez semblable à la condition de ces frères Siamois qu’une membrane unissait au niveau du tronc, a reçu le nom de « greffe siamoise. » Ce n’est point d’ailleurs une greffe proprement dite, ou, du moins, ce n’en est que le premier acte.

Pour qu’il y ait greffe proprement dite, il faut supprimer à l’une des plantes l’un de ses appareils végétatifs ; il faut la séparer du sol en coupant sa tige au-dessous de la soudure ou sa tête au-dessus. Les jardiniers appellent cela le sevrage. On a alors un greffage réel,