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offre de mettre à la raison « la minorité turbulente, » grâce à la garde nationale « dont il est sûr[1]. » La réponse est un décret qui nomme Ordinaire préfet du Doubs. Il était naturel que le gouvernement ne risquât pas un conflit pour maintenir le préfet de l’Empire : mais le calme de la ville attendait la décision de Paris.

La Bourgogne, dans ses trois départemens, a trois expressions politiques, et partout les villes y pensent autrement que les campagnes. Dans l’Yonne, aux nouvelles de Paris, le conseil municipal d’Auxerre, composé de républicains, répond par une adhésion publique, ardente, et c’est parmi ses membres que le gouvernement choisit le préfet : mais celui-ci pour gouverner comme le souhaite la ville, réclame « plein pouvoir » de changer les maires dans tout le département[2]. Dijon était une capitale de bourgeoisie à l’humeur aimable et aux mœurs policées, assez exaltée d’esprit pour être frondeuse, trop douce de goûts pour être révolutionnaire. Elle avait accommodé ces dispositions en portant au conseil municipal des hommes de professions libérales, de bonne compagnie et se croyait garantie par la correction des allures contre l’outrance des doctrines. De même elle avait choisi pour député Magnin, comme un libéral de belle humeur et non comme un chef de démagogues. Mais le 4 septembre, Magnin devenant ministre, mettait ses amis en demeure de manifester leur confiance à leur élu par leur ardeur républicaine. Toute ville de 50 000 habitans compte assez de déclassés et de badauds pour accueillir, par quelque tumulte de rues, un changement de gouvernement ; grâce à eux le conseil municipal pouvait se montrer dur aux représentans du pouvoir vaincu ; chasser de Dijon les hauts fonctionnaires de l’Empire, était rendre vacans des emplois que les principaux du conseil municipal se croyaient aptes à occuper, que le ministre les aiderait à obtenir ; et pour s’assurer honneurs, influence et gain, il n’est guère de modérés qui ne devinssent violens. Le conseil télégraphie, dès le 4 septembre au soir, que « composé de démocrates et ayant la confiance de la population » il s’est « emparé des fonctions publiques. » et « installé par délégation à la préfecture, » d’où il lance ses ordres aux fonctionnaires et met le procureur général

  1. Id., 970.
  2. Id., 1431.