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nouvelle lettre du Roi. Le ton en est d’un homme tout à fait impatienté.


A ma Cousine.

« Ma cousine, je vois clairement par votre dernière lettre, qu’on ne vous informe point au vrai de ce qui se passe en Piémont ; car si j’avois à être mal satisfait de mon ambassadeur, ce seroit de ce qu’il a exécuté mes ordres avec tant de chaleur, que le duc de Savoie s’est plaint par ses dépêches au comte Carroccio, qu’il sembloit qu’on fait voulu forcer en une chose qui a toujours été entièrement libre, même au plus misérable particulier. Jugez par cette circonstance que la conduite, qu’on vous propose, et que vous me suggérés, seroit fort bonne : je remarque même beaucoup de malice en ceux qui vous donnent de pareils avis : car leur but est de vous mettre dans l’esprit, que si l’affaire ne réussit pas, c’est que je ne l’aurois pas voulu. Et je vois que vous êtes déjà persuadée qu’elle dépend purement de ma simple volonté, en la portant plutôt d’une manière que d’une autre, mais je ne suis pas résolu de me conduire par le caprice de ces gens-là. Je vous ai dit que je souhaite sincèrement votre satisfaction, et je vous le confirme encore ; la seule amitié que j’ai pour vous me donneroit ce sentiment, et je connois de plus que c’est mon service. Vous ne devez donc pas douter que je ne fasse tout ce qui sera effectivement plus utile pour faire réussir la chose ; et pour les moyens, je ne tirerai pas grand avantage de dire, que je vois mieux ce qui se doit faire, que ceux qui vous parlent ou qui vous écrivent ; cependant je prie Dieu, etc.

« A Vincennes, le 2e septembre 1664.

« Signé : Louis. »


Le Roi disait la vérité ; le duc de Savoie ne voulait pas de la Grande Mademoiselle. Charles-Emmanuel n’avait jamais digéré « l’affront du voyage de Lyon, d’où il avait vu sa sœur revenir duchesse de Parme, quand il s’imaginait la voir reine de France[1]. » Il n’était pas fâché de rendre à Louis XIV la monnaie de sa pièce en lui refusant à son tour une princesse

  1. L’ambassadeur de la Fuente au roi d’Espagne ; Paris, 27 janvier 1664 (Archives de la Bastille). La princesse de Savoie refusée par Louis XIV s’était décidée à épouser le duc de Parme.