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joies de l’amour se donnaient rendez-vous sur les bords du fleuve ! Les Gallus, les Tibulle, les Properce et leurs maîtresses s’y rencontraient avec Quintilius Varus, Munatius Plancus, Lollius, Pison, presque tous les correspondans d’Horace, tous ces aristocrates qui tenaient à grand honneur de se voir dédier une Ode ou adresser une Épître par un fils d’affranchi. On imagine quelles réunions délicates se formaient et, entre gens qui oubliaient leurs différences de condition et de fortune, quelle agréable existence on devait mener.

Malheureusement, de toutes ces villas qui durent être nombreuses et élégantes, il ne subsiste, — quand il subsiste encore quelque chose, — que des substructions qui apparaissent de loin en loin. Les attribuer à la demeure de tel ou tel personnage serait le plus souvent téméraire, tant les débris sont incomplets et les renseignemens littéraires, d’autre part, insuffisans. Sauf pour la villa de Varus et celle de Cynthie, qui étaient presque contiguës sur la rive droite de l’Anio, en face des cascades, il faut, pour les autres, nous résigner à ignorer : ce sont des ruines anonymes. Mais ce que nous pouvons discerner très nettement, c’est la peine que tous ces propriétaires, quels qu’ils fussent, s’étaient donnée pour aplanir le sol de leur propriété. Partout les substructions sont énormes. Et sans doute c’était un peu une nécessité du lieu. Bâties pour la plupart sur le flanc de la colline, les maisons devaient être soutenues par de vastes fondations qui missent le rez-de-chaussée de plain-pied. Mais comme tous ces travaux qu’on rencontre n’ont pu servir à supporter les seuls corps d’habitation, il faut bien admettre que les gens d’alors cherchaient, de parti pris et le plus possible, à supprimer les accidens naturels du sol. Exemple, entre beaucoup d’autres, des variations du goût. Autant aujourd’hui nous avons soin de conserver ces inégalités, si même nous n’en créons d’artificielles, autant les Romains aimaient les grandes surfaces planes formant terrasses. Les ruines existantes nous font même reconnaître qu’une villa, à elle seule, en comprenait souvent plusieurs. Selon la pente plus ou moins rapide, ces terrasses étaient superposées en deux, trois ou quatre étages qui découpaient la colline comme en une série de gradins. Des escaliers, d’ailleurs, mettaient en communication l’une avec l’autre. De la plus élevée, véritable plate-forme d’observation, la vue pouvait s’étendre au loin sur toute la campagne, dans la direction, de Rome, et