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1m, 86. Les ossemens des Eyzies appartiennent à des types plus grands, encore. Christy et Lartet ont exhumé autrefois de la grotte de Cro-Magnon, dans cette région, trois squelettes bien conservés, qui ont donné lieu à des observations extrêmement intéressantes pour l’anthropologie. Les squelettes appartenaient à un vieillard, à un adulte et à une femme. Ces sujets ont servi de types pour l’établissement d’une race devenue célèbre sous le nom de race de Cro-Magnon. A la simple inspection des os, on reconnaît des êtres robustes et de haute taille. Broca déclarait leur stature très nettement supérieure à la nôtre ; mais aucun squelette n’ayant pu être reconstitué en entier, il lui fut impossible de faire une mesure directe et de fournir un chiffre précis. Aussi est-ce avec un peu d’hésitation qu’il avança comme chiffre probable celui de 1m, 80.

Broca n’avait pas, en effet, la ressource de recourir aux tableaux de reconstruction qui permettent maintenant de déduire, avec une approximation connue, la taille totale de la seule mesure d’un os comme le fémur. Il existait bien des tableaux de ce genre fournis par les médecins légistes, mais ils ne lui inspiraient point confiance, parce que les rapports des longueurs de ces articles du squelette avaient été établis d’après le canon parisien ou lyonnais, c’est-à-dire pour des types de structure de notre race. Or on sait que les proportions des diverses parties du corps ne sont pas les mêmes dans toutes les races de notre époque : les canons qui les expriment sont différens de l’une à l’autre ; à plus forte raison, pouvaient-ils être différens pour les races préhistoriques. De plus, dans une race comme la nôtre, il y a deux types distincts, représentés par les sujets qui, pour un même buste, ont les jambes longues (macroskélie des anthropologistes), et ceux qui ont les jambes courtes (microskélie). Il semble a priori que toutes ces difficultés dussent interdire l’espoir d’établir un rapport plus ou moins fixe entre la mesure d’un segment de membre et celle du corps tout entier. Mais ce sont précisément ces difficultés que les méthodes anthropométriques sont faites pour écarter ; et nous avons dit que celle de M. Manouvrier y avait réussi.

Quoi qu’il en soit, Broca était arrivé, par certaines considérations inutiles à rappeler ici, à fixer à 1m, 80 la taille du vieillard de Cro-Magnon. D’autres observateurs l’avaient estimée à 1m, 78 et Topinard était allé jusqu’à 1m, 90, chiffre tout à fait