Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primat d’Allemagne, un primat représentant en face de Rome et, s’il le fallait, contre Rome, les « libertés ecclésiastiques, » telles que les conciles de Constance et de Bâle les avaient définies, un primat collaborant avec les gouvernemens de l’Allemagne, et cela sans nulle servilité, peut-être même avec quelque hauteur, pour le bien de l’Église germanique. Il s’en fallait de beaucoup qu’en théorie il fût partisan de l’absolutisme de l’Etat dans l’Eglise : sa lettre à l’archevêque de Fribourg contre les, 39 articles est, à cet égard, décisive. Mais, en dépit de ses rêves de suprématie spirituelle, en dépit de ses théories sur l’autonomie du pouvoir religieux, Spiegel ne put échapper à cette loi de l’histoire, d’après laquelle les hommes d’Eglise le plus enclins à s’armer contre l’ « ultramontanisme » sont les plus complaisans à désarmer devant l’État. Bien que Spiegel fût assez déçu d’être sans cesse exclu des délibérations du ministère des cultes et de n’avoir pas même été convoqué, en 1817, aux conférences où l’on avait concerté la mission de Niebuhr à Rome, bien qu’il sentît et dénonçât le caractère protestant de la politique et de l’administration prussiennes, on le vit, dès les premières difficultés, imposer silence à son dépit, silence à sa conscience, et s’apprêter à obéir.

En présence de l’ordonnance de 1825, il consulta Schimonsky, prince-évêque de Breslau, sur la pratique des mariages mixtes en Silésie ; il constata que, là-bas, le clergé se pliait aux exigences royales. Le contraste était si frappant entre les désirs du roi de Prusse et le droit canon, que Spiegel et ses suffragans rhénans sollicitèrent respectueusement de Frédéric-Guillaume la permission de mettre le Pape au courant ; elle leur fut accordée, sous cette réserve que leur courrier serait transmis par l’intermédiaire de Berlin ; mais provisoirement, — et pour Berlin c’était l’essentiel, — ils décidèrent que le prêtre cesserait d’imposer aux fiancés un engagement relatif à l’éducation des enfans, et que le conjoint catholique, qui laisserait inscrire un nouveau-né dans l’Eglise évangélique, ne serait pas exposé à un refus d’absolution. Les évêques, en somme, s’agenouillaient devant l’absolutisme royal, et s’adressaient au Pape pour avoir le droit de rester prosternés. Pie VIII répondit par un bref du 25 mars 1830, auquel fut jointe une instruction explicative du cardinal Albani. Le pape consentait à ne frapper d’aucune peine canonique les conjoints qui feraient leurs enfans protestans ; mais il obligeait les