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« à faire de son royaume un centre d’influence et de défense catholiques, recommanda chaudement ce prêtre à son beau-frère le Hohenzollern : l’avenir prouva que c’était un choix d’élite. Geissel, dans le Palatinat, s’était distingué par su largeur d’esprit à l’endroit des confessions évangéliques : Louis Ier lui en savait gré, et ce témoignage fit plaisir au roi de Prusse. On n’ignorait pas, d’autre part, à la nonciature de Munich, qu’au moment de l’arrestation de l’archevêque de Cologne, un seul effort s’était dessiné pour provoquer une protestation collective de l’épiscopat germanique ; cet effort, infructueux du reste, était dû à l’évêque Geissel, qui, plus tard, en 1848, cueillera la gloire d’unifier cet épiscopat. Rome avait donc l’assurance qu’en donnant comme successeur à Droste-Vischering le seul prélat qui, trois ans auparavant, eût essayé de secouer l’inertie de ses collègues, elle préparait efficacement l’avenir.

La correspondance diplomatique relative à la nomination de Geissel, réunie jadis en un volume, marque un tournant d’histoire. Trois contractais y sont aux prises : le roi de Prusse, le jeune coadjuteur, et le vieil archevêque. Le roi de Prusse, empressé d’en finir, accorde à Rome tout ce que Rome demande : liberté de correspondance entre les évêques et le Saint-Siège ; respect absolu des stipulations de la bulle de Salute animarum au sujet du mode d’élection des évêques ; liberté complète de l’Eglise en ce qui regarde la question des mariages mixtes ; promesse de ne favoriser en aucune façon l’hermésianisme. Le jeune coadjuteur, au cours du voyage qu’il fait à Berlin, continue de traiter de puissance à puissance avec le cabinet prussien ; il se fait acheter son acceptation par des concessions nouvelles : droit, pour l’autorité épiscopale, d’accréditer ou de disqualifier l’enseignement des professeurs de théologie à l’Université de Bonn, en leur accordant ou en leur retirant la mission canonique ; et liberté pour l’autorité épiscopale d’établir des tribunaux ecclésiastiques. La première de ces concessions garantissait l’hégémonie de l’évêque sur l’enseignement universitaire ; la seconde garantissait son hégémonie sur la discipline sacerdotale ; l’une et l’autre marquaient une retraite de l’État. Bref, en face de l’Eglise, l’Etat protestant abdique, théoriquement au moins, les prérogatives que naguère il réclamait comme des droits ; la captivité de Droste-Vischering a un terme, et ce terme est une victoire… Mais le vieil archevêque nous émeut, et la correspondance