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La bureaucratie prussienne subsistait sans doute, incarnation d’une sorte de jacobinisme protestant, et bientôt de sourdes luttes s’engageront entre le monarque et le fonctionnarisme ; mais Frédéric-Guillaume IV, avant que les bureaux n’eussent le temps de se ressaisir, entreprit de restaurer la paix religieuse, et il y réussit. Dunin rentra dans son diocèse ; il fut convenu que l’Etat se désintéresserait à l’avenir des raisons pour lesquelles le mariage religieux serait refusé ; les consciences polonaises rentrèrent dans le calme. Quant à l’affaire de Cologne, plus épineuse, un juriste catholique se présenta pour l’arranger. Il s’appelait Ferdinand Walter, professait le droit canon à l’Université de Bonn, et, le premier, il avait, dans un Manuel publié en 1822, systématisé, en face des théories de Febronius, ce qu’on était convenu d’appeler, à Berlin, les maximes ultramontaines. Pour la première fois, avec Walter, la science allemande s’était dévouée à défendre la liberté de l’Eglise romaine ; dans cette Université de Bonn, où le catholicisme s’était fait hermésien, ce laïque demeurait peut-être le plus pur représentant de l’Eglise. Frédéric-Guillaume IV l’entendit et l’écouta. Walter émit un projet d’après lequel la Prusse devait s’entendre avec Rome pour désigner à Droste-Vischering un coadjuteur qui administrerait l’archidiocèse ; et le comte de Brühl fit trois voyages à Rome, au nom du roi de Prusse, pour concerter cette solution.

Il semble que souvent, dans l’histoire, les papes aient une indulgence d’élite pour les résipiscences, même à peine ébauchées, et pour les avances, même seulement esquissées, des puissances hérétiques ou schismatiques ; et c’est un rôle relativement aisé, de représenter, auprès du Père commun des fidèles et des infidèles, l’une de ces nations auxquelles il appliquerait si volontiers la parabole de l’enfant prodigue. La Prusse, en quelques semaines, reconquit la confiance de Grégoire XVI. Recevant à cette date Guido Goerres, le Pape s’amusa de Bunsen, qui, après avoir voulu marier catholiques et protestans, s’essayait à un autre mariage mixte entre l’Église anglaise et l’Église prussienne ; et puis, faisant trêve aux plaisanteries, il laissa voir qu’il était aussi satisfait du roi de Prusse que des Rhénans. Guido Goerres risqua quelques réserves ; mais il emporta cette impression que la Prusse était rentrée en grâce.

Le coadjuteur dont Rome et Berlin firent choix était l’évêque de Spire, Jean Geissel. Louis Ier de Bavière, qui se plaisait alors