Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le basileus Michel, outre leurs trois frères, avaient encore un neveu, également appelé Michel, fils d’une de leurs sœurs mariée jadis, tant toute la situation de la famille avait été primitivement misérable, à un ouvrier calfat du port de Constantinople. Ce personnage qui avait conservé du métier paternel ce sobriquet du Calfat, — en grec « le Calaphate, » — et qui devait se révéler si prochainement une véritable bête de proie, semblait alors un jeune homme insignifiant. Zoé était trop âgée. On ne pouvait plus le lui donner comme amant. L’Orphanotrophe ingénieux s’adressa aux sentimens maternels de cette bonne princesse. On représenta à la vieille basilissa que Michel IV allait mourir et qu’elle devait adopter son neveu qui serait le successeur désigné au trône.

Suivant la vieille formule romaine, cette adoption solennelle entraînerait la légitimité. Ainsi le pouvoir suprême se perpétuerait aux mains de l’Orphanotrophe qui continuerait à gouverner au nom du nouveau souverain fort inexpérimenté. Docilement comme toujours, Zoé se laissa faire. Dans Sainte-Sophie, dans une cérémonie prestigieuse, le patriarche officiant, la fille des basileis, ayant à ses côtés son époux déjà presque agonisant, adopta solennellement le fils du Calfat. Elle le fit asseoir sur ses genoux et le proclama devant la foule immense du peuple assemblé son fils et son successeur au trône.

Il en fut de cette cérémonie sacrilège comme il devait en être. Michel IV étant mort peu après au tombeau de saint Démétrius à Salonique, où il s’était fait transporter par dévotion, son neveu devint basileus du fait de son adoption. Ce prince est connu dans l’histoire par son sobriquet bizarre de Calaphate et son nom brille dans cette terrible histoire de Byzance d’un sombre et odieux éclat. Ce jouvenceau, qui jusque-là avait habilement fait le niais, trompant tout le monde, jusqu’au subtil Orphanotrophe, jeta presque aussitôt le masque. A peine couronné, il ne songea plus qu’à jouir seul du pouvoir absolu. Tant d’exemples récens, sa propre élévation quasi miraculeuse, lui donnaient toutes les audaces, toutes les ambitions. Les deux seules personnes auxquelles il devait tout, qui l’avaient tiré de son néant, pour faire de lui un empereur, étaient la basilissa Zoé, sa mère d’adoption, et son oncle l’Orphanotrophe, l’artisan de la puissance des siens. Appuyé sur un autre de ses oncles, le « nobilissime » Constantin, personnage ambitieux et énergique, il