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plein d’art, ou le philosophe à la vaste érudition, expert à connaître les causes surnaturelles des événemens et à savoir tout ce qu’ignorent les autres, ne saurait parler dignement, chacun avec les qualités ou brillantes, ou grandioses et pénétrantes qui le distinguent, de faits aussi extraordinaires. Aussi n’aurais-je jamais osé tenter de raconter ce drame, s’il ne s’agissait précisément là de l’événement le plus considérable de toute cette période historique que j’ai entrepris de narrer en détail. C’est ce qui m’a enhardi, moi, chétif navigateur, à me lancer sur cet océan redoutable. Je vais donc remémorer de mon mieux les circonstances qu’amena la vindicte divine, aussitôt après l’exil de la basilissa. »

C’est, en effet, dans cette mémorable sédition populaire contre le Calaphate et son oncle, le nobilissime, que le chroniqueur précieux entre tous pour toute cette période, le fameux Michel Psellos, apparaît pour la première fois comme jouant lui-même un rôle dans les événemens extraordinaires qui vont se pressant autour de lui. Michel V Calaphate avait, dès son avènement au trône, appelé au ministère d’État Constantin Lichoudès, et celui-ci avait fait la courte échelle à son ancien camarade de l’Université de Constantinople, Michel Psellos. Il le fit d’abord nommer juge en province, en Asie, puis le rappela dans sa chère Byzance et l’attacha au Palais, en qualité d’« hypogrammateus » ou d’attaché au secrétariat sous la direction du Protoasecretis. C’est ici que nous le retrouvons dans cette journée terrible qui devait voir la restauration de Zoé et de sa sœur Théodora, et la chute et le supplice du misérable Calaphate. Ce fut, nous l’allons voir, une grande journée pour le jeune sous-secrétaire d’Etat, alors âgé d’environ vingt-quatre ans.

Suivant Psellos, qu’il faut d’ordinaire préférer puisqu’il fut le témoin oculaire de cette révolution fameuse, il se serait écoulé au moins deux fois vingt-quatre heures entre la lecture du « pittakion » impérial au Forum de Constantin et la grande explosion de la fureur populaire. Toutefois, il semble qu’en ce point particulier Skylitzès ait davantage raison, qui raconte que les troubles de la rue éclatèrent presque aussitôt et faillirent coûter sur cette place même du Forum la vie au malheureux préfet de la Ville. Je n’ai pas les élémens qu’il faudrait pour décider entre ces deux récits qui ne varient du reste guère que dans ce détail. Je les donne ici consécutivement :