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Voici d’abord celui de Skylitzès : « Lorsque le préfet eut achevé la lecture du « pittakion » devant la foule immense assemblée, on entendit soudain une voix tonnante s’écrier, sans qu’on sût d’où elle venait : « Nous ne voulons pas de l’impur Calaphate pour notre basileus. Nous voulons la légitime héritière du trône, notre mère Zoé ! » Et aussitôt, tout d’une voix, le peuple entier se mit à vociférer à grands cris : « Mort, mort au Calaphate ! » et autres imprécations effroyables. En même temps, ces milliers d’hommes, saisissant qui un caillou, qui un bâton ou un escabeau, se ruent sur le préfet. Peu s’en fallut que l’infortuné patrice ne fût assommé. Il avait nom Anastase et avait jadis été un des familiers du basileus Constantin, père de la basilissa. Heureusement qu’il put échapper aux émeutiers et s’enfuir en hâte. »

Le récit de Psellos, pour en arriver à cette même fin de l’attaque du Palais par la foule constantinopolitaine, est assez différent.

« Durant que Michel, dit-il, se laissait aller à la joie, se félicitant du succès du plan qui lui tenait tant à cœur, se prélassant aussi dans la satisfaction béate de sa vanité, l’orage s’en allait grondant et grossissant dans l’immense Ville. L’infini mouvement des affaires, le va-et-vient des plaisirs, avaient à la fois subitement et partout cessé. Partout la foule commençait à s’agiter furieusement. Tous les âges, les sexes, toutes les classes se groupaient, proférant des murmures de plus en plus violens. A chaque moment, l’attitude de cette multitude devenait plus menaçante, et qui d’abord avait parlé tout bas maintenant exprimait tout haut sa fureur. A mesure que l’on connaissait mieux l’infortune si subite de la basilissa et l’audace de son bourreau, un sombre voile de douleur et de colère semblait s’étendre plus lourdement sur la cité, comme c’est le cas lors des grandes calamités publiques. Une morne tristesse accablait toutes les physionomies.

« C’était vers l’heure de midi du lundi 19 avril. Personne ne se contenait plus. Les murmures étaient devenus des vociférations. Les moins violens déclamaient sur les places publiques et avaient déjà composé sur l’événement des tragoudia ou chansons historiques populaires. Le désir, d’abord vague, de venger la basilissa exilée avait pris rapidement une forme aussi définie que violente. Toutes les classes rivalisaient de colère, prêtres,