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nobilissime. Vêtus de la robe de bure, la tête rasée, afin de bien affirmer leur intention de se faire moines pour le reste de leurs jours, les deux infortunés espéraient attendrir ainsi le lion populaire. Hélas ! ils n’apprirent que trop vite que la foule, loin de vouloir les épargner, les poursuivait avec plus d’ardeur que jamais et que, le lieu de leur retraite ayant été tôt découvert, elle les y cherchait pour les tuer, n’ayant plus que cette idée en tête. Dans leur désespoir, terrifiés par la crainte d’une mort cruelle, ils se jetèrent alors dans la grande église du couvent qui était dédiée au Précurseur. Comme ils attendaient, de minute en minute, l’arrivée de leurs bourreaux, ils embrassèrent avec ferveur la balustrade de l’autel, lieu de refuge très saint, inviolable. Les malheureux, persuadés que la foule n’oserait commettre le sacrilège de les en arracher, se cramponnaient désespérément à ce dernier abri.

« Dès que la nouvelle de la fuite du basileus, dit Psellos, se fut répandue dans la Ville, la foule prodigieuse qui encombrait les rues et qui tremblait encore de la terreur d’un revirement dans la lutte sanglante aux alentours du Palais, éclata en manifestations de joie folle. La terreur fit place à l’enthousiasme. Les uns couraient dans les temples, dédiant des actions de grâces à Dieu qui venait de leur donner le salut ; les autres acclamaient la nouvelle augusta Théodora ; tous dansaient, chantant par les rues, improvisant des chants de circonstance. Mais la plupart, je l’ai dit, n’avaient pour le moment qu’une pensée, retrouver le misérable Michel et se repaître de son supplice. Tous, uniformément, couraient dans la direction du lointain couvent du Stoudion, ne parlant que d’égorger le malheureux après mille outrages, de couper son corps en morceaux. L’empressement était tel que ceux mêmes qui entouraient les impératrices firent comme les autres. On laissa toutefois aux princesses une garde nombreuse pour les protéger ! » — Heureusement pour nous, car cette curiosité nous a valu le récit dramatique de ces scènes affreuses par un témoin oculaire, heureusement, dis-je, Psellos fut du nombre de ceux qui désirèrent à tout prix assister au drame qui allait se passer au Stoudion. Son récit est véritablement tragique. « Je m’attachai, dit-il, aux pas d’un de mes amis, officier très illustre de la garde impériale, auquel je m’étais associé depuis toutes ces péripéties pour l’aider de mes conseils. Nous courûmes au galop de nos chevaux jusqu’à l’église