propositions purement socialistes, un tel vacarme s’est produit que le président, éperdu, a levé la séance. Mais le lendemain, on a pensé que le plus simple était de n’y pas regarder de si près et de répondre oui à toutes les propositions qui avaient été ou qui pourraient encore être faites. M. Lorand nous apprend toutefois que, par un reste de respect humain, le président avait soin de faire remarquer quelquefois que c’était par politesse qu’on bâclait ainsi la besogne et que cela ne tirait pas à conséquence. M. Buisson en donne une explication plus philosophique, si l’on veut. Le Congrès, dit-il, « a pensé que, n’étant pas un concile, il n’était pas tenu de promulguer un Credo, un formulaire, une sorte d’expression unique ayant le monopole de l’orthodoxie. Il a admis que la même inspiration qui nous est commune à tous peut être traduite par chacun de nous dans sa langue, à sa manière, suivant son tour d’esprit, en toute liberté et avec la naturelle diversité inséparable de la parfaite sincérité, d’est ainsi qu’ont été adoptées tour à tour, et la déclaration de principes où j’avais cherché à définir dans ses grandes lignes, la libre pensée, et la motion Allemane, et la motion Dozié, et la motion Augagneur, et plusieurs autres qui, aux yeux d’un parlementarisme rigoureusement correct, font double emploi. »
Mais aussi tout le monde s’en est allé content, comme d’une loterie où tous les numéros auraient gagné quelque chose. Quelle cacophonie ! On n’avait peut-être jamais entendu la pareille, depuis la tour de Babel ! Qu’on ne croie pas cependant que nous désapprouvions cette manière de procéder : elle est peut-être une condition de la libre pensée. En tout cas elle maintient la liberté, mais il faut pour cela y persévérer jusqu’au bout, et que chacun reste libre de croire et de professer ce qu’il voudra, sans s’exposer à de fâcheuses déchéances. Est-ce ainsi que M. Buisson l’entend ? Nous n’oserions pas en répondre. Sa définition de la libre pensée, que le Congrès a votée comme les autres, est très longue pour une définition : en voici quelques extraits. « La libre pensée, dit-il, n’est pas une doctrine ; elle est une méthode. » Et M. Buisson fait à son tour un discours sur sa méthode. Elle consiste à chercher la vérité en dehors de toute influence et de toute direction qui ne seraient pas strictement celles de la raison humaine. Soit : mais si la raison humaine finit par reconnaître son insuffisance en face de certains problèmes, M. Buisson lui en reconnaît-il le droit ? Si la raison humaine revient librement à la religion, M. Buisson le tolérera-t-il ? A ses yeux comme aux nôtres, la liberté de l’erreur, même de la pire, ne fait-elle pas partie inséparable de la libre conduite