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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/795

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Et, en effet, en littérature comme en art, la composition exige toujours un certain degré de maturité. Mais, de plus, avec Ronsard et dans sa Franciade, le classicisme à ses débuts s’est heurté contre l’écueil où finalement il devait échouer. Le mirage, ici, consiste à croire qu’étant donnés et reconnus les « chefs-d’œuvre » d’un genre, — l’Iliade ou l’Odyssée, dans l’espèce, voire l’Enéide ou les Argonautiques, — ils en sont également les modèles, ou le canon, comme disaient les Grecs, dont on ne saurait s’écarter sans tomber nécessairement au-dessous d’eux. La logique française en a conclu que toute épopée devait d’abord se conformer à de certaines « règles, » dont les modèles n’étaient que la réalisation, et que, non seulement il n’y avait point de « chefs-d’œuvre, » mais qu’il n’y aurait pas d’épopée en dehors de l’observation de ces règles. C’est pourquoi, dans la Franciade, il y a un « dénombrement des vaisseaux, » il y a une « tempête, » il y a des « combats singuliers, » il y a un « songe, » il y a un « sacrifice aux Dieux infernaux, » il y a une « évocation des morts ; » et, bon gré, mal gré, dans les quatre Chants qui sont tout le poème tel qu’il nous est parvenu, il a fallu que tout cela trouvât sa place. Il a fallu qu’il y eût aussi une « prophétie, » — un Tu Marcellus eris… — et ne le regrettons pas, pour le poète, si c’est en retraçant, telle qu’on se la représentait alors, l’histoire des rois mérovingiens, qu’il a rencontré les meilleurs vers de son « long poème français, » et presque les seuls que l’on puisse citer :


Ni lit, ni foi, ni la nuit amoureuse
Ne défendront Galswinthe malheureuse ;…


il résume, en traits énergiques, l’histoire du règne de Chilpéric, les crimes de Frédégonde :


Elle, sans peur ni de Dieu ni des lois
Toute effrontée, ayant encor les doigts
Rouges du sang de son mari, pour taire
Par un beau fait le meurtre et l’adultère,
Ira guerrière au milieu des combats
Tenant son fils de trois mois en ses bras ;


et le supplice de Brunehaut. Il ne peint pas non plus sans vigueur les « rois fainéans : »


Ces rois hideux en longue barbe épaisse,
En longs cheveux ornés presse sur presse,