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président du Conseil n’en connaissait que deux. « Laissez-moi, disait-il à un député de l’opposition qu’il favorisait alors de ses entretiens, laissez-moi en finir avec la réaction monarchiste et la réaction cléricale : vous verrez ensuite ! » Mais la réaction est une hydre, il y a longtemps qu’on le sait ; et plus on lui coupe de têtes, plus il lui en repousse. Pour mener à bout ce travail d’Hercule, tout en allant, par-ci par-là, passer vingt-quatre heures à Pons, M. Combes demandait trois mois. Et comme l’interlocuteur, ou plutôt l’auditeur, faisait doucement observer, au sujet de la seule « réaction cléricale, » que M. le président du Conseil avait eu, en ce pays, deux prédécesseurs, — Louis XIV et Napoléon, — à qui « la réaction cléricale » avait donné du fil à retordre pour plus de trois mois : « Je demande trois mois, pas davantage ! » répétait M. Combes, en haussant les épaules.

Trois mois à trois mois, il a pris deux ans ; mais « qui donc oserait soutenir que c’est trop de deux ans pour l’œuvre de sécularisation entreprise par le Cabinet ? » Qu’est-ce que deux ans, pour repousser « une invasion monacale, » plus ancienne que la Restauration et que le premier Empire, « qui avait couvert la France d’un flot dévastateur de 914 congrégations ? » Pauvre et « beau pays de France où, sous cette République qui n’a pas d’égale au monde pour l’intolérance, au dire de la société bien pensante (écoutez « clabauder » ces gens-là !…), un siècle seulement après la Révolution française,… 1371 congrégations religieuses d’hommes ou de femmes s’étaient librement et grassement constituées ! » Il était temps que le temps de M. Combes arrivât ! Il vint, et « sans désemparer,… sans se lasser une minute pendant deux années consécutives, sans prendre garde aux injures, aux calomnies, et, ce qui devait lui être plus pénible, aux défections, il a continué méthodiquement la mission dont il s’était chargé… » Œuvre immense ! « C’est beaucoup, on en conviendra, pour un ministère forcé de combattre à tout instant pour son existence propre, d’être parvenu à expulser de notre France les ordres religieux qui aspiraient à la subjuguer. » Ce n’est toutefois qu’un commencement, un petit, tout petit commencement : « Il nous reste un autre devoir à remplir pour répondre à l’attente du parti républicain, c’est de libérer la société française de la sujétion traditionnelle que font peser sur elle les prétentions ultramontaines ! »

« Ah ! s’il m’est donné de conduire nos soldats dans une telle