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gouvernementale ! Ce serait peu de chose encore ; et cela, après tout, on ne le leur doit point. Mais on ne leur donne pas ce qu’on leur doit, et on leur prend ce qu’on ne devrait pas.

Ils sont assurément à plaindre, mais plaignons aussi les pauvres préfets ! Le gouvernement n’attend d’eux ni corruption, ni intimidation, ni pression administrative. Toutefois ils sont avertis : s’ils veulent avoir de l’avancement, il faut que leur département vote bien ; s’il vote mal, on les casse aux gages. Et plaignons les pauvres députés qui sont députés du gouvernement ! S’ils essaient un après-midi, et dans un seul scrutin, de montrer quelque indépendance, on les retrouvera au prochain jour d’audience, lorsqu’ils viendront s’inscrire pour la petite sportule hebdomadaire dans l’antichambre de tel ou tel ministre. On agitera sous leurs yeux effrayés le spectre de la réélection ; radicaux, on les menacera d’un concurrent socialiste ; socialistes, d’un radical ; radicaux ou socialistes, on leur fera sentir le mors, ne fût-ce qu’en exécutant, quand ils ne le voudraient pas, « leurs » congrégations, ou, quand ils le voudraient, en ne les exécutant pas. Ce n’est rien,… le collier dont ils sont attachés… De temps en temps, un coup sec ; les pointes entrent, et ils grognent… Charmant concert ; à ce moment, l’essaim de secrétaires qui bourdonne dans les couloirs intérieurs de la Chambre, empressé, avant les scrutins douteux, à d’honnêtes courtages, peut en entendre de belles,…. et les rapporter, pour l’instruire, à M. le président du Conseil. Car la considération que la majorité professe pour le Cabinet n’a d’égale que la considération que le Cabinet, par un juste retour, professe pour sa majorité. Cependant ils se gardent mutuellement une fidélité inviolable. Pourquoi ? C’est ce que nous verrons tout à l’heure ; l’explication, si elle n’est pas réconfortante, sera simple, nette et péremptoire. Mais, sans remettre à tout à l’heure, notons tout de suite : c’est ce que M. Combes, non pas M. Combes seul ni M. Combes le premier, mais, après d’autres, selon les us et coutumes du « parti républicain, » vivant lui-même sur la tradition de l’Empire, a fait du suffrage universel et du régime parlementaire ; et il l’a fait comme il fait tout, avec une obstination têtue, une manière de violence froide et lourde.

Le second mode d’activité par lequel s’est notoirement signalé le ministère de l’Intérieur, depuis deux ans que M. le président du Conseil, appuyé sur l’inébranlable force du Bloc, pratique avec