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Il fait chaud. Mon ombre me pèse, et je commence,
Dans un vertige, à voir le cloître tout entier
Qui semble, de soleil ivre jusqu’à la danse,

Autour de moi tourner au pas de ses piliers.


STANCES


Mon jardin est très beau, car il est plein de roses
Dont l’arôme puissant l’embaume tout entier,
Et la colombe rauque y roucoule et se pose
Sur le vase de marbre où s’enroule un laurier,

Et, lorsqu’elle se tait et que dans l’air sonore
S’épuise peu à peu la force de son chant,
On respire l’odeur qui, là-bas, semble éclore
Au parterre empourpré, magnifique et vivant ;

Mais si, par le parfum de tant de fleurs hautaines,
Mon jardin au soleil est orgueilleux et beau,
Il est doux et sait plaire aux âmes incertaines
Par la fraîche rumeur du feuillage et de l’eau ;

Car, partout où ton cœur cherchera le silence,
Il entendra toujours la vasque dont le bruit
Retrouve, attend, rejoint, accompagne et devance
L’oreille qui l’écoute et le pas qui le suit.

Et, n’est-ce point ainsi, Amour, que tu demeures
A jamais où ton ombre est entrée une fois,
Et que tu laisses, en souvenir de tes heures
Heureuses, un parfum, un murmure, une voix,

Qui, pareils au parfum et pareils au murmure
Que la rose répand et que chuchote l’eau,
Font, mêlés à la voix de la colombe pure,
Plus divin le silence et le jardin plus beau ?