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parussent désormais en scène dans un même spectacle. Deux étudians, le comte Platz et le chevalier Ignace de Zollheim, jouaient le roi Sigismond et sa femme, la reine Marie. Il y avait aussi, parmi les acteurs, chanteurs, et musiciens de l’orchestre, des membres de la chapelle archiépiscopale, des collégiens, des enfans des principales familles nobles et bourgeoises de la ville : et c’est dans la longue liste de ces derniers, chargés de la figuration, ou peut-être de quelques faciles parties chorales, qu’on a retrouvé le nom de « Wolfgangus Mozhart. » Le petit figurait un « Salien, » et en quelle brillante et flatteuse compagnie ! Deux comtes Seeau, et d’autres comtes, et des barons et des « prénobles » : de quoi transporter d’aise la naïve vanité paternelle de Léopold Mozart. Le Protocole de l’Université de Salzbourg nous apprend d’ailleurs que la représentation, « avec l’aide de Dieu, a parfaitement réussi. » Et le même Protocole ajoute, à la date du jeudi suivant, 3 septembre : « La tragédie finale a été jouée aujourd’hui pour la seconde fois, en présence de Sa Seigneurie et de toute la cour. Nous comptions d’abord la produire le lendemain, vendredi, mais Sa Seigneurie ne l’a point voulu, estimant qu’en un jour de jeûne les acteurs risquaient d’avoir l’estomac trop vide, die abstinentiæ stomachum nimis inanem esse causatus. Et que des louanges infinies soient rendues à Dieu : car la tragédie a réussi le plus heureusement du monde, et Sa Seigneurie s’en est retournée au Palais tout à fait ravie. »

Chose curieuse : entre tant de « Seigneuries » à qui allait être successivement exhibé le petit prodige, nous n’avons pas connaissance que son père fait officiellement présenté à son propre souverain, le prince-archevêque de Salzbourg Sigismond Schraltenbach. Aucune mention n’est faite du nom de l’enfant dans le journal où un admirateur passionné des deux Mozart, le fourrier de cour Gilofsky, a noté, avec un soin minutieux, jusqu’aux moindres événemens musicaux de la cour archiépiscopale durant les années 1762 et 1763[1]. Et pourtant aucun prince ne semblait mieux désigné que ce saint prélat pour apprécier et pour aimer le petit Mozart : car non seulement il était amateur de musique, et jouait lui-même fort bien du violon, mais, en

  1. Des extraits de ce précieux journal ont été publiés, en 1877, par M. Pirkmaier. Le nom de Wolfgang Mozart n’y apparait pour la première fois qu’à la date du 3 janvier 1765.