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d’abord sans éprouver quelque jalousie, d’ailleurs bien naturelle, devant la différence de ses propres succès et de ceux de son frère, dans toutes les séances où ils s’étaient produits ; et c’est précisément après avoir parlé à Hagenauer de « l’extraordinaire gaîté » de son fils que Léopold Mozart ajoute que « Nannerl, elle aussi, ne souffre plus maintenant à cause du petit. »


Après une excursion à Heidelberg, et l’étonnante improvisation d’orgue que j’ai notée déjà, les voyageurs s’arrêtèrent tour à tour à Mannheim, à Worms, à Mayence et à Francfort. A Mannheim, « un colonel français fit présent à Nannerl d’une bague, et à Wolfgang d’un charmant petit étui à cure-dents. » A Worms, toute la famille eut l’honneur d’être invitée à la table du baron Dalberg. A Mayence, le prince-électeur, étant malade, ne put pas recevoir les enfans prodiges : mais ils se firent entendre, trois soirs de suite, dans la grande salle de leur hôtel, ce qui valut à leur père un bénéfice de 200 florins. A Francfort, le succès fut tel que l’unique concert projeté eut à être renouvelé trois autres fois. C’est là que Goethe, qui n’était lui-même encore qu’un jeune garçon de quatorze ans, eut l’occasion de voir et d’entendre Mozart. « Je me rappelle fort bien le petit homme, avec sa perruque frisée et son épée, » disait-il plus tard à Eckermann : nous offrant ainsi, en deux mots, une image plus fidèle et plus vivante que tous les portraits. Et c’est aussi du séjour des Mozart à Francfort que date un autre document curieux : un long prospectus, composé par le maître de chapelle salzbourgeois pour annoncer, au public l’Académie du 30 août. De la façon la plus précieuse ce prospectus nous renseigne, on va le voir, non seulement sur les tours de force habituels de Wolfgang, mais sur l’état général de ses connaissances musicales à ce moment du voyage ; et comme il nous renseigne encore, par surcroît, avec son mélange de platitude et de pédantisme, sur le caractère de l’excellent homme qui l’a rédigé !


L’admiration universelle qu’éveille dans les âmes de tous les auditeurs l’habileté, — jamais encore vue ni entendue à un pareil degré, — des deux enfans du maître de chapelle du prince-archevêque de Salzbourg, M. Léopold Mozart, a eu pour conséquence déjà une triple répétition du concert qui ne devait d’abord être donné qu’une seule fois.

Oui, et c’est cette admiration universelle, jointe au désir exprès de plusieurs grands connaisseurs et amateurs de notre ville, qui est cause que,