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andante et un autre allegro (sauf pourtant la troisième, qui a pour final un double menuet). Et chaque morceau, après les deux barres, nous présente un développement, à la manière de Ph.-Em. Bach : mais un développement très court et à peu près nul, une transition quelconque ne servant qu’à ramener, le plus vite possible, la rentrée du premier thème dans le ton principal. Enfin chacun des morceaux a déjà un second sujet, mais celui-ci, le plus souvent, n’est pas encore nettement séparé du sujet principal ; ou bien, quand il sépare les deux sujets (comme dans le final de sa seconde sonate), Léopold Mozart, pour mieux les distinguer, imagine d’attribuer à chacun d’eux un mouvement différent, — faisant alterner un andante avec un presto : invention singulière, sortie en droite ligne d’une âme de professeur.

Telles étaient les œuvres que Wolfgang, à Salzbourg, avait été instruit à vénérer comme les modèles les plus parfaits de leur genre. Et en effet sa sonate de Bruxelles, au premier coup d’œil, ne laisse pas de leur ressembler : même coupe « allemande, » dans les deux allégros ; même brièveté rudimentaire du développement ; même façon d’entremêler les deux sujets, au moins dans le premier morceau[1]. Mais déjà, sous cette ressemblance apparente, bien des détails diffèrent, nous révélant que l’enfant a cessé de subir pleinement l’influence paternelle. L’accompagnement, par exemple, au lieu d’avoir la sécheresse guindée et pédante de ceux de Léopold Mozart, est traité, presque d’un bout à l’autre de la sonate, en basse d’Alberti, — une suite d’accords brisés en doubles croches : procédé dont le petit Mozart ne s’était jamais servi jusqu’alors, et qui, pour familier qu’il fût à Léopold Mozart comme à beaucoup d’autres compositeurs allemands, jamais certes n’avait été employé par eux avec une insistance aussi cavalière. Autre différence, plus frappante encore : si les deux allégros sont construits sur le type « allemand, » l’andante, au contraire, nous offre, de la façon la plus formelle, la coupe binaire des sonates italiennes : tout de suite après les deux barres, l’unique sujet, une simple et gentille mélodie en fa majeur, reparaît dans le ton d’ut majeur, et la reprise se poursuit, à peine variée, jusqu’à la fin du morceau. Mais au reste,

  1. Particularité curieuse : la sonate est composée de quatre morceaux, l’enfant y ayant introduit un menuet entre l’andantino et l’allegro final ; par où elle ressemble à une sonate en ut majeur de Wagenseil, que Mozart aura connue, je pense, durant son séjour à Vienne.