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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/257

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Lui, c’était le comte de Fersen, qui n’arriva que quelques heures plus tard et qui apprit à Monsieur que, durant la nuit précédente, il avait accompagné la famille royale jusqu’à Bondy. Il croyait fermement qu’elle était déjà hors de France. Cependant, empêchés de se loger à la « Femme Sauvage » où la place manquait, les voyageurs étaient allés prendre gîte à la « Couronne Impériale, » et alors qu’on refusait de les recevoir, toutes les chambres étant occupées, ils avaient eu la bonne fortune d’y voir apparaître Mme de Balbi et sa sœur, la comtesse de Ménars. La veille, se rendant de Bruxelles à Paris, Mme de Balbi avait rencontré en deçà de Valenciennes son valet de chambre que d’Avaray avait eu la précaution de lui envoyer. Un mot avait suffi pour lui faire rebrousser chemin jusqu’à Mons où elle s’était arrêtée comme au point le plus favorable pour être instruite du sort des fugitifs. Le hasard avait fait le reste.

« Dans nos transports, ne pouvant parler, nous nous embrassons tous avec ce sentiment que rien ne saurait dépeindre… Nous soupâmes mal de fort bon appétit. Ces dames cédèrent leur appartement à Monsieur et pour la première fois, depuis près de deux ans, il s’endormit sans craindre le réveil. »

Monsieur ne devait jamais oublier qu’il devait son salut à d’Avaray. Il le lui avait dit avec effusion en franchissant la frontière ; il le lui répéta devant Mme de Balbi avec une chaleur de cœur dont la femme jalouse quelle était ne pouvait ne pas prendre ombrage. A Bruxelles, où il arriva bientôt après, avec Madame qu’il avait trouvée à Namur et où son frère, le Comte d’Artois, était accouru de Coblentz, sa reconnaissance envers d’Avaray prit des formes plus solennelles. Ayant reçu la douloureuse nouvelle de l’arrestation de la famille royale à Varennes, les princes se considérant, dès ce moment, comme les dépositaires du pouvoir royal, se déterminèrent à recevoir tous les Français émigrés, hommes et femmes, qui se trouvaient alors à Bruxelles.

« Jamais à Versailles, à l’époque la plus florissante du règne, l’affluence n’avait été aussi grande. Après avoir recueilli les