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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/258

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hommages et les vœux qui lui étaient offerts et déploré la captivité du Roi, le premier soin de Monsieur, au milieu de cette foule de Français fidèles, eut encore son serviteur pour objet. Il me présenta à tout ce qui l’entourait comme son libérateur et son ami, je cite ses propres expressions. En exagérant ces services, il montrait la beauté de son âme généreuse et sensible. Cet éloge donné par Monsieur, par le frère du Roi, me valut la marque d’honneur la plus flatteuse qu’un gentilhomme puisse recevoir. La noblesse réunie sous la conduite de MM. les ducs d’Uzès, de Chabot et de Villequier me donna le glorieux témoignage de passer chez moi en corps[1]. Cet honneur infini, auquel j’ai répondu, autant qu’il a été en moi, par les marques de mon respect et de ma sensibilité, je le rapporte entièrement et uniquement à mon prince »

Ce serait faire injure à la mémoire du futur Louis XVIII que de le supposer capable de s’en tenir, pour exprimer sa reconnaissance, à ces manifestations platoniques. A l’heure où il commence à les prodiguer, il ne saurait prévoir encore qu’il régnera. Louis XVI est vivant ; il a un héritier et peut espérer que, la Révolution terminée, cet enfant sera son successeur. Deux existences se dressent donc entre le trône et Monsieur. Il ne peut même se flatter d’exercer la régence qui ; le cas échéant, appartiendrait à la Reine. Il en résulte que, pour récompenser le serviteur auquel il doit sa délivrance, il n’a que son amitié à lui offrir. Du moins, il y ajoutera une confiance sans limites. L’affection dont il l’honore, il s’attachera à en varier les preuves. Dès ce moment, il le fixe auprès de sa personne, il en fait son conseiller, s’accoutume à penser tout haut devant lui, captivé tout à la fois par le souvenir du service rendu et par tout ce qu’il y a dans la nature de d’Avaray de droiture, de probité, de délicatesse et d’instinctif dévouement.

En arrivant à Coblentz, qui va devenir la citadelle de l’Emigration, il lui offre une épée, et, s’il n’inscrit pas sur la garde une « devise d’amitié, » c’est que Mme de Balbi l’en détourne. Lorsque, à la date où commence ce récit, la mort de son neveu le fait roi et alors que d’Avaray veut le quitter pour aller se servir de cette épée en Vendée, il refuse de le laisser partir.

— Vous resterez auprès de moi, lui dit-il.

  1. « Et je n’en fus informé que le lendemain ! Ce reproche, je suis bien aise de le consigner ici. » — Annotation autographe du Roi sur le manuscrit de d’Avaray.