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d’Angoulême, mon neveu. J’ai la certitude que le Roi et la Reine, quand ils n’avaient pas d’autre enfant qu’elle, désiraient ce mariage. A la vérité, lorsqu’ils eurent des garçons, mon neveu cessa d’être un parti pour elle, et ils changèrent d’avis. Mais je suis bien sûr que, s’ils vivaient et qu’ils eussent perdu leurs garçons, ils reviendraient à leur première intention. Ainsi, je ne fais que la suivre. »

On voit poindre ici l’innocente supercherie à laquelle, à l’instigation de d’Avaray et en prévision d’un refus possible de sa nièce, allait recourir Louis XVIII pour la convaincre de la nécessité du mariage qu’il souhaitait, en le lui présentant comme un projet conçu et préparé par ses parens. Craignant qu’on ne découvrît ce petit artifice, et après avoir invité Mme de Tourzel à communiquer au plus vite ses désirs à Madame Royale, « bien que l’article soit délicat vis-à-vis d’une jeune personne, » il ajoutait : « Je vous prie de traiter ma lettre comme j’ai traité la vôtre, car, quoique les dangers ne soient pas les mêmes, vous sentez bien qu’il y aurait aussi quelque inconvénient pour moi à ce qu’une lettre aussi confidentielle vînt à être connue. »

Celle-ci ne parvint pas à Mme de Tourzel. Ce qui permet de l’affirmer, c’est que nous l’avons retrouvée sous son enveloppe dans les papiers du Roi et que, dans ces papiers, il en existe une autre, en minute, conçue presque dans les mêmes termes et écrite le 3 janvier 1796. À cette date, Madame Royale était hors de France depuis sept jours et Mme de Tourzel n’avait pas été autorisée à l’accompagner. Mais on l’ignorait à Vérone. On n’y savait qu’une chose, c’est qu’une jeune femme, Mme de Soucy, digne de cette mission par son éducation et sa naissance, et qui comptait des amis dans le gouvernement, avait été désignée par le Directoire, d’accord avec l’Autriche, comme compagne de route de la princesse, ce qui ne voulait pas dire d’ailleurs que Mme de Tourzel eût été exclue du voyage.

C’est à d’Avaray qu’on devait ce renseignement. Parti au mois de novembre pour se rendre au camp de Condé et aviser avec le prince aux moyens d’approcher Madame Royale, il était revenu à Vérone sans avoir atteint son but. Il n’avait pas poussé plus loin qu’Inspruck, averti là par les autorités autrichiennes que ni lui, ni le prince de Condé, ni aucun Français ne serait admis auprès de l’auguste voyageuse. Après avoir tenté en vain de fléchir ces ordres rigoureux, prévenu aussi que la date du