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terminé son éducation militaire commencée à Paris par son gouverneur, le maréchal de camp comte de Sérent. Il exerçait maintenant un commandement à l’armée de Condé où se trouvait aussi son cadet le Duc de Berry. Le fils de Louis XVI étant mort, Louis XVIII n’ayant pas d’enfans, et l’âge du Comte d’Artois ne permettant pas de supposer qu’en admettant qu’il survécût à son frère, il régnerait longtemps, le Duc d’Angoulême était considéré parmi les Bourbons comme le futur roi de France. En lui donnant pour femme la noble princesse que la pitié populaire surnommait déjà « l’orpheline du Temple, » on ajouterait à la couronne un nouveau fleuron. Non moins que la gloire ancestrale les malheurs immérités sont aussi une parure. Ceux de Madame Royale devaient à son sexe, à sa jeunesse, à son innocence, d’avoir excité partout une commisération respectueuse dont son mariage avec l’héritier du trône ferait sans doute, aussitôt qu’il serait accompli, rejaillir les effets sur toute la maison de France. Ce mariage, dans la pensée du Roi et de d’Avaray n’était donc pas seulement commandé par des convenances de famille ; il l’était aussi par la raison d’État.

Dès qu’ils en furent convaincus, le Roi jugea nécessaire d’écrire une nouvelle lettre à Mme de Tourzel. La première destinée à lui être remise à sa sortie de France n’en disait pas assez et, puisqu’elle n’avait pas été expédiée, il convenait d’en préciser les termes et de donner aux motifs qui l’avaient dictée plus de développemens. C’est ce que fit le Roi dans la seconde qu’il espérait lui faire parvenir avant qu’elle n’eût quitté Paris. À ce qu’il avait écrit déjà il ajouta, le 29 septembre, de concert avec d’Avaray, des instances plus pressantes et la confidence de ses projets.

« C’est sur vous que je compte pour déjouer les projets que la cour de Vienne peut avoir, pour rappeler sans cesse à ma nièce que, sans oublier la reconnaissance qu’elle doit à l’Empereur, elle doit toujours penser qu’elle est Française, qu’elle est de mon sang, qu’elle n’a d’autre père que moi, qu’elle doit partager, ainsi que le reste de ma famille, mon sort heureux ou malheureux et surtout qu’elle ne doit former de liens ni même prendre d’engagemens que de mon aveu et sous mon autorité. Je vous dirai plus ; j’ai pensé à son bonheur futur, à celui de toute ma famille, au mien, et je n’ai pas trouvé de moyen plus sûr pour atteindre ces divers buts que de la marier au Duc