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Certes l’éminent ministre des Finances n’a point manqué des plus sérieux motifs pour demander à ses agens supérieurs des Contributions directes, en général fort distingués, un travail aussi considérable ; mais pareil effort était bien superflu. Les résultats éventuels du système de l’évaluation des ressources d’après le loyer sont connus d’avance, non point par des enquêtes, qui sont toujours partiellement des hypothèses, mais par des faits accomplis positifs et répétés, qui se produisirent toutes les fois qu’il fut essayé, sous la Révolution, sous la Restauration, sous la monarchie de Juillet, car il est moins nouveau que ne le pensent ses inventeurs du XXe siècle : il est même d’origine « cléricale, » son auteur n’étant autre que l’archevêque de Toulouse, le cardinal Loménie de Brienne, chef du conseil royal des finances, qui le proposa le 10 mai 1787 à l’Assemblée des notables. Il fut repris, ordonné par des lois impératives en 1791, en 1820, en 1831, et toujours il entraîna les mêmes conséquences, avec la régularité inflexible d’une loi physique ou mécanique.

Ce n’est point que ces lois de 1791, de 1820, de 1831 aient prétendu établir l’impôt général sur le revenu, comme le projet gouvernemental actuel, mais elles reposaient sur le même mécanisme, sur le même principe essentiel : évaluation des revenus du contribuable d’après le loyer d’habitation. Tout le ressort du projet déposé le 16 juin 1903 est là ; tout le ressort des lois de 1791, de 1820 et de 1831 était là. Celles-ci employaient le « loyer d’habitation » pour déterminer la contribution mobilière ; aujourd’hui, on veut l’employer pour déterminer l’impôt général sur le revenu : voilà toute la différence, — simple détail d’application, — tandis que l’esprit et le mécanisme sont identiques. La valeur du loyer d’habitation fut prise comme mètre, trois fois, pour obtenir des contribuables, tantôt 60 millions, tantôt 30, tantôt 45 ; elle est prise aujourd’hui pour les forcer de verser au Trésor de M. Combes 409 millions, en attendant mieux. Il n’y a aucune autre différence dans le fond des choses.

Que dit en effet le gouvernement actuel dans son projet ?

ARTICLE Ier. — Il est établi, en remplacement des contributions personnelle-mobilière et des portes et fenêtres, un impôt général sur le revenu.

ARTICLE II. — L’impôt général sur le revenu se compose :

1° D’une taxe personnelle