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système du projet de loi, tandis qu’aujourd’hui, en fait, dans le plus grand nombre des communes, plus de 33 000 sur 36 000, il paye la contribution mobilière proportionnellement à sa fortune. En conséquence, le rapport conclut au rejet du projet de loi.

Cette décision de la Commission de 1887 arrêta net le Gouvernement qui ne tarda pas d’ailleurs à tomber, et le Cabinet suivant, formé le 30 mai, sous la présidence de M. Rouvier, ministre des Finances, s’empressa de retirer le malencontreux projet. Réapparu pendant quelques jours à peine, en 1894, sous M. Burdeau, il disparut aussitôt, sans discussion, sans rapport, sans examen, avec le Cabinet Casimir-Perier, car il fut soigneusement abandonné par le ministère Charles Dupuy où M. Poincaré occupait les Finances.


La longue série des faits constans, invinciblement répétés parmi les circonstances les plus diverses de 1791 à aujourd’hui, porte un enseignement expérimental décisif, et qui peut se formuler en une véritable loi économique : il est impossible de prendre le loyer d’habitation pour mesure des revenus des contribuables. Quelque raisonnement qu’on imagine pour justifier l’idée, quelque mécanisme ingénieux et subtil qu’on invente pour la mettre en pratique, l’impossibilité d’exécution surgit toujours et vite. Aucune obstination, aucune ruse législatives ne sauraient la vaincre. On peut regretter qu’il en soit ainsi ; mais il en est ainsi. Sans doute il serait désirable et commode qu’il en fût autrement, que la valeur du loyer, pure et simple ou combinée avec deux, trois, dix autres élémens, permît d’établir un impôt vraiment proportionnel aux facultés du contribuable, suivant le vœu de la Révolution et de l’équité ; mais rien ne sert en pareille matière de désirer, ni de regretter : les faits seuls commandent, permettent, défendent. Depuis plus d’un siècle, ils défendent de calculer d’après le loyer et commandent de renoncer enfin à cette chimère, non moins qu’à la quadrature du cercle.


S’il avait fallu une dernière démonstration, l’enquête ordonnée par M. Rouvier et poursuivie si ingénieusement, si laborieusement par les Contributions directes l’eût fournie. Les constatations, les aveux de cette administration, consignés dans