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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/378

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RÊVE ÉVOCATEUR


Oh ! ton geste éperdu vers l’Occident vermeil,
Comme afin d’y plonger d’un coup d’aile sublime,
Oh ! tes bras éplorés vers l’Astre qui s’abîme
Inclinant les Douleurs lasses au noir sommeil !

Oh ! ton regard déjà transfiguré, pareil
A l’œil d’un aigle ayant atteint quelque âpre cime,
Pour voir mourir, du haut de sa montagne infime,
Drapé de pourpre et d’or, l’impérial Soleil !

Tout s’est évanoui sans retour, voix des choses,
Cloches vibrant ainsi qu’en des apothéoses,
Derniers reflets du soir à l’horizon divin ;

Et depuis, subissant les brèves Destinées,
Mon âme, que la Gloire amère appelle en vain,
Mêle aux lauriers flétris les verveines fanées.


CONTEMPLATION


Ce soir, nous avons vu mourir, de la terrasse,
Le plus triste soleil qui jamais ait pâli ;
Car nous pleurions alors notre rêve aboli
Et pareil au sillage éphémère qu’il trace.

Et je sentais, tandis que mon regard embrasse
Tout l’horizon déjà vers l’Est enseveli
Sous des brumes de songe et des cendres d’oubli,
S’éteindre en nous l’amour et la foi d’une race.

Une lumière aussi dans nos esprits mourait.
Mais nous avons gardé le tragique secret
Des âmes par la même angoisse fiancées ;

Laissant l’illusion divine d’autrefois
S’abîmer dans le gouffre amer de nos pensées,
Comme l’Astre perdu dans la rouille des bois.