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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/377

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COMMUNION


Exquises de reflets vaporeux et plongeant
L’horizon dans les plus suaves demi-teintes,
Les suprêmes lueurs, par l’agonie atteintes,
Auréolent les bois de leur nimbe changeant.

Le laboureur, qu’attarde un pas moins diligent,
Revient, marquant le sol de ses lourdes empreintes.
Une cloche s’épanche au large en molles plaintes,
Et l’or rouge du soir se mue en pâle argent.

Imprégné de la frêle extase qui circule
Quelque chose entre en moi de ce lent crépuscule
Que l’Amour a voulu triste et presque sacré ;

Et dans l’obscurité magique où tout se noie,
Nul n’a senti peut-être, en son cœur ulcéré,
Grandir tant de douleur mêlée à tant de joie.


COUCHANT D’AUTOMNE


Quelque cyclopéen Forgeron, dans le soir
De braise incandescente où sa forge s’allume,
A fait jaillir déjà d’une invisible enclume
Les étoiles qui par l’infini vont pleuvoir.

Comme un vin bouillonnant s’échappe du pressoir,
La pourpre en fusion coule en ardente écume
Qui ruisselle et déborde et pâlit et s’embrume,
Envahissant le ciel qui bientôt sera noir.

Très loin, sous une fine arcade de nuées
Où meurent des clartés de songe atténuées,
Une île d’or, de mers d’azur semble émerger ;

Et vers la lumineuse et frêle perspective
Avec amour j’exhale en un soupir léger
Le nostalgique aveu de mon âme plaintive.