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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/431

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de la famille. C’est tout ce que je peux faire, il ne faut pas m’en demander davantage.

Il y a dans les ravins beaucoup de fleurs champêtres ; en voici une que j’ai cueillie en pensant à toi et à nos chers enfans ; c’est Veronica montana qu’on l’appelle, faites bon accueil à Véronique ! »


« Camp du Moulin, 19 mai.

« Hier, pendant que j’étais au quartier général, ce bon Canrobert est sorti de sa tente et, m’ayant aperçu à grande distance, il est venu m’offrir cordialement la main, pour me dire encore les choses les plus aimables et les plus flatteuses sur mon régiment. Trochu m’a accueilli comme un ami. Un camarade de Saint-Cyr, le colonel d’état-major de Cornély, aide de camp du général en chef, m’a dit que je ne tarderais pas à être général ; j’en suis fort aise.

Dulac a perdu son chef d’état-major, le colonel Liron d’Airolles, mort de maladie, à soixante et un ans ; son enterrement a eu lieu hier. Le général m’a chargé de mille bons souvenirs pour toi et nos enfans. Il ne doute pas de ma prochaine nomination, car il convient, avec toute l’armée, que c’est mon régiment qui a le plus souffert pendant cette terrible guerre. En effet, nous avons eu plus de monde touché par l’ennemi, en deux mois, que tous les autres régimens depuis le commencement du siège.

Le typhus et le choléra ont régné à Constantinople avec moins d’intensité qu’on ne l’a annoncé. Ici le choléra a un peu rudoyé notre division (91 décès sur 300 cas). Mon brave 11e léger a eu sa part de cette aubaine (39 cas, 13 décès). Depuis six jours, le fléau décroît sensiblement et nous n’y pensons même pas. Il a, du reste, des façons moins foudroyantes qu’à l’ordinaire.

Tous mes malades, bien soignés, sont en voie de guérison ; la plupart ont été contaminés aux ambulances.

Des troupes débarquent en grand nombre à Kamiesch ou à Balaclava ; on ne tardera pas, sans doute, à opérer, et à donner la bonne tatouille aux Moscovites.

Nous ne savons pas à quel corps appartiendra notre division. Si elle reste, comme Dulac le croit, employée au siège, nous aurons un peu moins de privations, parce que, ne courant pas après l’ennemi, nos approvisionnerons seront plus assurés ;