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La pièce pourrait finir là. Elle peut aussi continuer. Le dernier acte presque tout entier va être consacré à rechercher qui peut bien être le Roméo de l’échelle. L’enquête, comme toute enquête méthodiquement menée, s’égare. On soupçonne que l’héroïne de cette aventure nocturne pourrait bien être une vieille folle de générale, et qu’elle a pu jeter son dévolu sur le jeune Du Bois du Gant, un garçon qui prépare son baccalauréat ! Quiproquo. Interrogatoire du collégien qui peut fournir un alibi des plus satisfaisans, ayant passé sa nuit chez une fille à Trouville ; ce pour quoi son père l’embrasse, sans qu’on puisse deviner ce qui provoque cette violente explosion de tendresse paternelle. Il y a encore une petite crise de nerfs de Mlle Motreff, avec qui Soindres s’est si mal conduit ! Car la conduite de Soindres, d’un bout à l’autre de la pièce, est quelque chose d’inqualifiable, et nous n’avons sur le compte de ce savant-là aucune espèce de doute : son éducation laisse totalement à désirer. Puis Mme de Gerberoy nous fait paît de son prochain mariage avec le physiologiste Soindres.

La pièce pourrait continuer : elle finit là. Il va sans dire qu’elle ne prête guère à la discussion, si, dans ses parties les plus agréables, elle échappe souvent à l’analyse. Mais on l’écoute sans ennui, surtout sans fatigue. C’est un conte bleu, un peu lourd.

L’Escalade est jouée à ravir. M. Guitry est excellent dans ces rôles d’amoureux un peu mûrs et de soupirans empruntés. Vibrante, nerveuse, passionnée, inquiète, Mlle Brandès est aujourd’hui la seule comédienne qui sache faire passer dans la salle ce certain frisson-là. M. Guy est délicieux de bonhomie dans un rôle accessoire de savant amateur ; Mlle Darcourt d’une cocasserie impayable dans le rôle d’une vieille générale un peu timbrée ; M. Coquet très amusant dans le rôle de Galbrun.

Le théâtre de la Renaissance, et ce n’est pas un mince éloge, a réussi à se créer un répertoire. La pièce est de M. Capus ou de M. Donnay ; elle est de M. Donnay ou de M. Capus ; elle s’appelle la Châtelaine, l’Adversaire, l’Escalade, peu importe, et de l’une à l’autre il n’y a pas tant de différence qu’on ne puisse les confondre. Le sujet y est mince, l’intrigue légère, l’esprit facile, la sentimentalité convenue ; et tout passe à la faveur d’une interprétation remarquable. Cela est d’ailleurs honnête, aimable, souriant. C’est l’ancien genre du Gymnase, rafraîchi et modernisé.


J’espère vivement, qu’avant d’écrire sa pièce Maman Colibri, M. Henry Bataille s’est posé la question suivante : « Que pourrai-je