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brusquement, et qui, pendant huit mois, a condamné quatre officiers à une épreuve pleine d’angoisses ? Voilà ce qu’on n’aurait pas manqué de demander à M. le ministre de la Guerre, si M. Syveton, après l’avoir sauvé à la séance du 4 novembre, ne l’avait pas condamné à garder la chambre assez longtemps pour que tant de mauvaises impressions s’atténuassent. Un ministre malade est sacré, intangible, inrenversable. M. le général André se dérobe : on va être obligé de se tourner du côté de M. Pelletan.

Mais le ministère ne se relèvera jamais complètement des coups qu’il a reçus, et cette fois nous ne parlons pas de ceux de M. Syveton. M. de Villeneuve, avec son dossier bourré de pièces authentiques, s’est trouvé être un adversaire autrement redoutable. Et M. de Villeneuve n’a pas encore tout dit ! Et les journaux continuent de publier des lettres aussi compromettantes que les premières ! Et le scandale se prolonge sans qu’on sache quand il finira ! Faut-il, toutefois, regretter beaucoup que M. le ministre de la Guerre n’ait pas été renversé ? Oui, sans doute, au point de vue de l’armée : encore ne savons-nous pas entre quelles mains elle tomberait en échappant à celles de M. le général André. Non, peut-être, en ce qui concerne le gouvernement, qui a le ministre de la Guerre qu’il mérite et qui doit tomber avec lui. Le singulier effet produit sur M. le général André par deux gifles qui, quelque rudes qu’elles aient été, ne sont tout de même que deux gifles, commence à nous faire craindre que sa santé ne lui permette pas de continuer ses fonctions. En le voyant partir, ses collègues éprouveraient le sentiment de cet homme qui, dans une circonstance analogue, laissait échapper cet aveu : « Je fais tous mes efforts pour avoir l’air résigné, mais au fond je suis enchanté. » Au fond, nous le serions aussi. Sans savoir si nous gagnerions beaucoup au change, le départ du général André serait un acte de justice, ou du moins de demi-justice, en attendant la justice complète. Ce serait une satisfaction pour la conscience publique. Des faits monstrueux ont été révélés, et le ministre lui-même, dans le premier moment d’effarement, s’en est avoué responsable. La responsabilité ministérielle ne serait-elle donc qu’un vain mot ?

La place nous manque pour parler des élections italiennes avec tout le développement que le sujet comporte : au surplus, elles ne sont pas encore terminées, et nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais, dès maintenant, on peut dire que leur résultat est favorable au gouvernement, et M. Giolitti semble bien en avoir obtenu à peu près tout