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la nation ! A l’eau ! à l’eau ! » La Seine, en effet, n’est pas loin. Ils se dégagent à coups de sabre, et s’enfuient au plus vite.

De toutes ces défiances, de toutes ces colères, de toutes ces énergies sans direction, Fouché aurait pu former contre le Roi une redoutable opposition. C’est ce que comprirent à ce moment critique les conseils de Louis XVIII ; c’est ce qu’ils s’empressèrent d’oublier quand la restauration fut accomplie.

Le 7 juillet, la Commission de gouvernement se réunit comme de coutume aux Tuileries. Elle ignorait que cette séance dût être la dernière. Fouché l’apprit à ses collègues par l’exposé qu’il fit de sa seconde entrevue avec Wellington. « Le rapport de La Fayette survies conférences de Haguenau, dit-il en substance, est tout à fait inexact. Les alliés sont déterminés à restaurer Louis XVIII. L’ennemi occupe Paris, le Roi y fera sa rentrée demain. Nous n’avons donc d’autre parti à prendre que de nous dissoudre et d’en informer les Chambres par un message. » Fouché, naturellement, se garda bien de révéler qu’il avait en poche sa nomination de ministre de la Police. Caulaincourt parut approuver les paroles de Fouché, mais Carnot, Grenier et Quinette protestèrent. Déjà ils avaient proposé de rejoindre l’armée et de transférer derrière la Loire le siège du gouvernement ; les Chambres seraient invitées à se réunir à Blois ou à Tours. Fouché, soutenu par Caulaincourt, combattit ce projet dont l’adoption, dit-il, ne pourrait qu’ajouter aux maux du pays en provoquant la guerre civile. Le tambour des Prussiens mit fin à la discussion. Un détachement d’infanterie avec deux pièces de canon débouchait dans la cour des Tuileries.

Le corps de Zieten était entré dans Paris à huit heures du matin par la barrière de la Cunette[1]. Ce n’était pas, comme en 1814, un lent et solennel défilé ; c’était une marche de guerre, par échelons tactiques, fusils chargés et mèches allumées. Arrivée devant l’Ecole Militaire, la colonne se fractionna. La

  1. Seules les troupes de Zieten occupèrent Paris le 7 juillet. Le corps de Thielmann y entra le 8 juillet, ainsi qu’une partie de l’armée anglaise, et le corps de Bülow le 9. Thielmann et Bülow ne firent en quelque sorte que traverser la ville, car ils repartirent, celui-là le 9, et celui-ci le 12, pour suivre l’armée française vers la Loire. Le corps de Zieten ne bougea pas jusqu’au 22 juillet, jour où il fut remplacé à Paris par la garde royale prussienne, qui avait quitté Francfort seulement à la fin de juin. — Les Prussiens, et plus tard les Autrichiens et les Russes, furent logés chez l’habitant. Les Anglais, à l’exception de quelques détachemens, bivouaquèrent au bois de Boulogne.