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nationale[1]. » Dans Paris, pas une cocarde blanche. Les plus audacieux se bornent à porter une cocarde où le blanc domine sur le bleu et le rouge. Les royalistes qui vont à Arnouville ou à Saint-Denis ont dans leurs poches des cocardes blanches qu’ils mettent fièrement au chapeau quand ils ont passé les barrières et qu’ils retirent avec prudence quand ils rentrent à Paris. Ceux qui au retour oublient cette précaution sont accueillis par les cris : « A la lanterne les royalistes ! » maltraités par la populace, arrêtés par la garde nationale ou même chargés furieusement par la gendarmerie à cheval. Les déclarations abusives des plénipotentiaires français, insérées au Moniteur, que les souverains entendent laisser la France libre de choisir son gouvernement, raniment les espérances. On aura Napoléon il ou le Duc d’Orléans, ou encore Eugène de Beauharnais, le roi de Saxe, l’archiduc Charles, un prince anglais même. Si grande est la crainte de la réaction qu’il se trouve des gens pour préférer un étranger à un Bourbon !

Le 5 juillet, le 6 encore, on parle d’un mouvement royaliste pour le lendemain. La Chambre s’inquiète, Masséna s’alarme, le populaire murmure, montre les poings et se dispose à faire justice lui-même de ces bourbonistes trop impatiens[2]. La présence des troupes alliées aux portes de Paris, l’occupation même de la ville par les Prussiens n’imposent pas aux colères de la foule. Le 6 juillet, on rejette hors de la barrière de Saint-Ouen des royalistes à cocarde blanche et on les poursuit l’espace d’une demi-lieue. Le 7 juillet, six grenadiers de la Maison du Roi, entrés à Paris dans leur bel uniforme, sont assaillis sur la place de la Concorde et contraints de se réfugier dans l’hôtel où loge Wellington. Trois gardes du corps sont maltraités dans le jardin du Palais-Royal. Même aventure advient, place du Louvre, à des gardes du corps de Monsieur qui s’avisent de crier : « Vive le Roi ! » Le peuple se rue contre eux en criant : « Vive l’Empereur ! Vive

  1. Le seul qui ne signa point fut le chef de la 10e légion, Alexandre de Boisgelin. C’est lui que Dessolies allait, en conséquence, désigner pour interdire aux députés l’entrée du Palais législatif (Boisgelin à Fouché, 8 juillet. Arch. nat. F. 7, 3153).
  2. Depuis le 23 juin, des royalistes pensaient à faire un mouvement dans Paris. On envahirait la Chambre, on arrêterait les membres du gouvernement provisoire, et on constituerait une Commission de gouvernement qui proclamerait Louis XVIII. Vitrolles, plus confiant dans les intrigues de Fouché que dans les armes des royalistes, combattit à maintes reprises ces projets chimériques.