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ni les argumens ne manquent dans les deux camps ; la lutte se poursuit, ardente, semée d’alternatives, chaque parti remportant tour à tour des victoires ou supportant des défaites : mais personne ne s’estime définitivement vaincu, chacun garde ses positions, prêt à recommencer demain la bataille. Et c’est, si l’on veut,


Une ample tragédie à cent actes divers.


Tragédie ou comédie, elle ne finira point, pas plus que ne finira la France, car la vie, la contradiction, la diversité, sont la loi même du progrès ; il faut qu’il y ait des hérétiques à côté des croyans, et la comparaison du miroir brisé s’applique à l’agriculture ; on voit dans son fragment le miroir entier, et l’on croit que le voisin n’a rien.

Sans doute, la question du tout ne se pose pas encore pour l’agriculture : il n’y a pas, à vrai dire, une question agricole, il y a des questions agricoles, questions importantes, qui nous oppressent en quelque sorte et semblent se multiplier par les efforts mêmes qu’on tente pour les résoudre, par l’action de la presse qui fait chaque matin le tour du monde, par le télégraphe, le chemin de fer, la vapeur, qui suppriment les distances et transforment l’univers en un immense marché où les intéressés s’approvisionnent, comme les ménagères trouvent aux Halles centrales tout ce dont elles ont besoin. Quand on va au cœur des choses sans s’arrêter à leur écorce, quand on étudie le passé et le présent de la terre, non plus à travers les satiristes, les rhéteurs, prédicateurs, compilateurs de mémoires ou d’histoires partiales, mais à travers les documens d’archives, en compulsant et comparant chartriers, livres de raison, monographies, inventaires, les pièces en un mot qui n’ont pas été composées pour les besoins de la cause, en faisant table rase de ses préjugés, de ses rêves, et au besoin de ses intérêts, quand ensuite on lit les ouvrages de MM. Doniol, Levasseur, Baudrillart, de Foville, Albert Babeau, d’Avenel, D. Zolla, etc., on se pénètre de cette pensée que la méfiance des thèses d’école, des lieux communs aratoires et des paradoxes anarchistes est le commencement de la sagesse agricole ; qu’il convient de n’accepter que sous bénéfice d’inventaire les chiffres des contens et des mécontens, de contrôler les uns par les autres, les uns et les autres par les leçons de