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souvent et ne quittent plus la contrée où ils ont fondé un foyer. Ceux qu’on appelle les Artésiens arrivent souvent par familles des départemens du Nord.

Plus intense encore s’accentue, depuis 1870, le mouvement d’immigration des Belges, dans la région comprise entre Lille et Orléans[1] : logés par le patron, payés à la tâche, ils se nourrissent à leurs frais ; l’usage est de leur donner de la boisson. On croit qu’il en vient35 à 40 000 par an ; ils reviennent en général dans les mêmes fermes, sont conduits par un chef qui travaille avec eux, correspond avec les patrons, recrute ses compagnons, discute les conditions, règle les comptes et reçoit une petite rémunération supplémentaire : grands travailleurs plutôt que bons travailleurs, ils professent un culte fâcheux pour l’alcool, ce qui ne les empêche pas d’emporter chaque année dans leur pays la moitié de leurs salaires. La France paie environ 24 millions aux immigrans belges. Les ouvriers italiens se forment par escouades de 6 à 10 travailleurs obéissant à un chef, dit caporal, qui prélève une rétribution ou caporalice de quinze francs par homme ; et ils remportent la majeure partie de leur gain.


IV. — LOYERS ET PRIX DE LA TERRE

Le prix de location détermine le prix de vente, et, suivant les époques, la terre se capitalise à un taux plus ou moins élevé : dans une période de prospérité agricole, le taux de capitalisation est de 2 et demi à 3 pour 100 ; dans une ère de crise prolongée, le taux se relève à 4 et même 5 pour 100. Le prix de la terre est tantôt 25 fois, tantôt 30 ou 35 fois supérieur au fermage. Ce phénomène, observe M. Emile Chevallier, n’est que l’application, dans le domaine foncier, d’une loi dont on vérifie chaque jour la justesse à propos des valeurs mobilières. Une bonne valeur, une valeur de tout repos, ne se capitalise-t-elle pas au taux de 3 pour 100 ; une valeur douteuse, un placement de fils de famille, ne se capitalise-t-elle pas au taux de 5, de 6 pour 100 et même davantage ?

Autre observation de majeure importance : la rente de la terre, si on l’examine depuis longtemps, s’est accrue, tandis que le revenu des capitaux mobiliers va sans cesse en décroissant.

  1. G. Eylenbosch, Les ouvriers belges en France. — Comte Charles de Grunne, Les ouvriers agricoles belges en France ; Revue générale agronomique, mars 1899.