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je suis sûr de gagner à la loterie, j’ai une infaillible martingale. » Rien de plus commun que de se casser la tête contre un mur, et même que de construire soi-même le mur contre lequel on ira ensuite se casser la tête. On s’en prend à la conjuration des choses et des personnes, on refuse de faire son mea culpa, de dire : « Si tu me trompes une fois, c’est de ta faute ; si tu me trompes deux fois, c’est de la mienne. »

Il ne faut pas confondre la population rurale et la population agricole : il y a des communes qualifiées urbaines où se trouve une proportion assez élevée de cultivateurs ; à l’inverse, il existe beaucoup de chefs-lieux de canton, qui n’ont pas une population agglomérée de deux mille habitans, et qui cependant renferment force rentiers, fonctionnaires, ouvriers industriels. D’après le recensement de 1891, notre population agricole ne dépasse pas 17 435 888 individus, formant ainsi 45, 47 pour 100 de la population générale de la France ; d’ailleurs, elle a augmenté, dans le Nord et l’Aisne, grâce à l’émigration flamande, dans quelques départemens du Midi, grâce à la reconstitution des vignobles et à l’extension de la culture directe. En 1891, le nombre des chefs d’exploitation s’élève à 3 604 789, le nombre des auxiliaires et salariés ne dépasse pas 3 058 346 ; auparavant, c’était le contraire, les chefs d’exploitation ne représentaient que 44 pour 100 du nombre total des travailleurs agricoles ; de 1882 à 1892, on constate une diminution de 394 558 auxiliaires ou salariés.

La Belgique nous fournit aussi des fermiers. Sans posséder d’autre capital que la volonté et une grosse famille, ils prennent à bail un domaine important, réduisent au minimum leurs frais de main-d’œuvre, et parviennent à l’aisance.

Une immigration se produit dans nos campagnes à l’époque de certains travaux : fauchaison, moisson, binage, arrachage des betteraves. Tantôt ce sont des Français qui quittent leur domicile et vont travailler dans une autre contrée où les salaires sont plus rémunérateurs, la population moins dense, l’offre plus abondante ; tantôt ce sont des étrangers, Italiens, Espagnols, Belges, Suisses, attirés par les mêmes raisons. Demain, peut-être, faudra-t-il recourir aux Chinois ; plus d’un y songe déjà. Cette immigration, en général temporaire, prend quelquefois un caractère permanent ; les Bretons se fixent volontiers dans le pays : ubi bene, ibi patria. A Morteaux (Calvados), on en compte plus de 50 sur 657 habitans ; laborieux, économes, ils se marient