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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre


M. le général André a disparu de la scène politique. Nous l’avions pressenti et presque annoncé, il y a quinze jours. Les deux soufflets que lui avait donnés M. Syveton étaient une explication insuffisante de la gravité et de la durée de sa maladie : évidemment, il commençait à s’apercevoir que sa situation n’était plus tenable, et, s’il ne le comprenait pas à lui seul, on le lui faisait sentir. Il avait presque toujours été un embarras pour le Cabinet ; son esprit déséquilibré faisait constamment craindre quelque frasque de sa part ; avec lui, point de sécurité. Enfin, à partir du jour où ont été révélées à la tribune les pratiques odieuses qu’il avait établies, ou laissées s’établir au ministère de la Guerre, son maintien y était devenu impossible. Il avait eu beau se défendre à la Chambre, en jurant à ses adversaires nationalistes qu’ils « n’auraient pas sa peau : » personne n’en voulait ni à sa peau, ni à sa tête, — qu’en aurait-on pu faire ? — mais on demandait sa démission. Ses collègues l’abandonnaient, le lâchaient, pour essayer de se sauver eux-mêmes. Ils lui dépêchaient plusieurs fois par jour des émissaires nouveaux chargés de lui expliquer que le salut de la République exigeait de sa part un grand sacrifice. Il en avait sacrifié bien d’autres ; pourquoi ne se sacrifierait-il pas lui-même ?

A peine parti, il est presque oublié, et le serait complètement si le souvenir de la délation qu’il a introduite dans l’armée pouvait s’effacer si vite. Il a succédé à M. le général de Galliffet le 29 mai 1900, et a donc été ministre pendant quatre ans et demi : il a eu le temps de faire beaucoup de mal. Aussi longtemps qu’il s’est contenté de désorganiser l’armée, on l’a laissé faire ; mais, le jour où il l’a déshonorée, et la République avec elle, le soulèvement de la