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il est naturel qu’il les demande aux préfets. Mais les préfets eux-mêmes, à qui les demanderont-ils ? C’est à cette question que la circulaire cherche à répondre, et, en somme, il n’y en a pas d’autre. « Il ne m’appartient pas, dit M. Combes, de limiter le champ de vos informations, » en quoi il se trompe : ce soin lui appartient, au contraire. Dire d’avance aux préfets que le champ de leurs informations est sans limites, ou du moins qu’eux seuls peuvent y en mettre, infirme singulièrement la portée de la circulaire. M. le président du Conseil le sent si bien, qu’aussitôt après avoir lâché la bride à ses préfets, il la reprend en main. « Il m’est permis, dit-il, de vous inviter à ne puiser vos renseignemens qu’auprès des fonctionnaires de l’ordre politique, des personnalités politiques républicaines investies d’un mandat électif et de celles que vous avez choisies comme délégués ou correspondans administratifs en raison de leur autorité morale et de leur attachement à la République. » Si ce n’est pas là limiter le champ des investigations préfectorales, c’est du moins en limiter les moyens ; mais est-ce le faire assez ?

Tout est intéressant dans cette phrase de la circulaire ; mais il faut se borner à l’essentiel. M. Combes invite les préfets, — il ferait mieux de le leur enjoindre, — à puiser leurs renseignemens en premier lieu auprès des fonctionnaires de l’ordre politique. Dans une circulaire ultérieure, il revient à la charge pour dire, — cette fois en assez bons termes, — que les fonctionnaires exclusivement administratifs, et surtout les instituteurs, doivent être rigoureusement tenus à l’écart de ces investigations. A la bonne heure ! M. Combes était allé beaucoup plus loin dans la chaleur d’un discours prononcé à la Chambre. Sa première prétention avait été de faire de tous les fonctionnaires sans exception, et, comme il disait, de tous les détenteurs d’une parcelle quelconque de la force publique, des agens de renseignemens. Il s’en tient aujourd’hui aux fonctionnaires de l’ordre politique : ce sont les seuls, en effet, qui doivent donner des informations politiques. Les autres ont charge d’une fonction administrative, perçoivent des contributions, percent des routes ou les entretiennent, font la classe, et sans doute ils doivent tous être respectueux des institutions du pays, mais ils ne sont pas des informateurs du préfet. M. Combes parle en second lieu des « personnalités politiques républicaines investies d’un mandat électif, » c’est-à-dire des sénateurs, des députés, des conseillers généraux, des conseillers d’arrondissement, des conseillers municipaux. Assurément, on peut les consulter dans certains cas, bien qu’ils ne soient pas faits pour donner des