Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/759

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

années directeur de l’École générale de guerre de Berlin. A sa mort, en 1831, il a laissé un manuscrit contenant le résumé de ses méditations sur la guerre ; mais sans avoir pu le remanier, lui donner sa forme, sa clarté définitives.

Il l’a dit lui-même dans une note écrite de sa main, vers la fin de sa vie, et placée maintenant en tête de ses œuvres :

« Ce manuscrit ne contient que les pierres d’assise sur lesquelles je me proposais d’édifier une théorie de la grande guerre. Malgré leur forme incomplète, comme les principes exposés dans ce manuscrit sont le résultat d’une longue expérience, d’incessantes méditations… ils permettront du moins à l’esprit de se faire une idée de ce que la guerre est dans la réalité. »

L’œuvre de Clausewitz a fait autorité en Allemagne ; c’est à elle qu’il faut remonter pour trouver les principes de guerre appliqués par l’armée prussienne. Sa « théorie de la grande guerre » s’occupe surtout de stratégie, très peu de tactique ; elle est le fruit d’observations nombreuses provoquées par l’étude des guerres, et surtout par celle des campagnes de Napoléon.

C’est Clausewitz le premier qui a fait ressortir le concept napoléonien de la guerre : au commencement d’une guerre, n’avoir d’autre objectif que la grande bataille ; d’autre règle que la concentration à outrance des efforts, des énergies et des intelligences vers ce choc décisif des masses ; d’autre habileté que celle qui consiste à rendre cette bataille décisive, plus décisive encore, plus tragique, qui s’applique à faire succéder les coups de tonnerre aux coups de tonnerre sans relâche, sans arrêt, jusqu’à ce que l’adversaire soit couché sur le sol.

C’est ce concept napoléonien, mis en relief par Clausewitz, et commenté, propagé par l’Académie militaire de Berlin qui a servi de base aux méthodes de guerre appliquées par les Prussiens en 1866 contre l’Autriche, en 1870 contre la France.

Est-ce à dire pour cela que la supériorité des procédés de guerre de Napoléon soit universellement admise en Allemagne, et que tous les écrivains militaires y regardent notre grand Empereur comme le maître par excellence dans l’art de la guerre ? C’est sans doute l’opinion générale ; mais certains admirateurs fervens de Moltke vont jusqu’à le placer au-dessus de Napoléon, en ce qui concerne la stratégie.

Le général d’infanterie de Schlichting, l’écrivain militaire le plus en vue actuellement de la Prusse, reconnaît bien que Moltke