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n’interviennent que comme moyens de faciliter la bataille. Ce n’est qu’après la bataille qu’elles reprennent leur valeur.

Dans la guerre coloniale, l’assaillant a généralement une supériorité écrasante sur l’adversaire par l’armement, par l’organisation, par la discipline ; il est sûr de le battre quand il le rencontrera. Disposant du temps, il peut utiliser l’espace à son gré, atteindre tel territoire, occuper telle position, pour mieux surmonter les véritables difficultés de ce genre de guerre : l’organisation des communications, le ravitaillement, la santé des troupes…

Les préoccupations du commandement sont différentes dans les deux guerres. L’une d’elles ne prépare pas nécessairement à l’autre. Les événemens de 1870 nous l’ont montré cruellement. Les difficultés actuelles de l’Allemagne contre les Herreros, montrent que, si bien préparés qu’ils soient pour la grande guerre, les Allemands trouveraient d’excellens enseignemens dans les traditions et les annales de notre vaillante armée coloniale.

Ce n’est pas seulement le commandement qui, en 1870, avait oublié la grande guerre. Nos troupes elles-mêmes ne connaissaient plus la discipline indispensable aux marches en grandes masses ; elles ne savaient plus cantonner ; elles se gardaient mal. Notre cavalerie ignorait le service de sûreté éloignée, et les reconnaissances, auxquelles elle est si bien préparée maintenant. Notre artillerie ne savait pas régler son tir…

Nos généraux se sont ressentis de l’insouciance universelle. N’ayant rien pour se guider au milieu de ce que le maréchal de Saxe a appelé « les ténèbres de l’art militaire, » ils sont retournés en arrière de plus d’un siècle, et se sont montrés imbus des principes surannés de la guerre de Sept ans, des mauvaises traditions militaires du XVIIIe siècle.

Au début de la guerre, notre armée, qui ne pouvait opposer que 200 000 hommes aux 450 000 Allemands, fut déployée de Sierck à Thionville sur un front de plus de 200 kilomètres. C’était revenir au système néfaste du « Cordon. »

La guerre de positions était dans l’esprit de tous nos généraux. On la retrouve dans le plan de campagne du général Frossard établi avant la guerre, comme dans la bataille de Spickeren. On la voit même chez l’intrépide général Ducrot, chez le maréchal de Mac Mahon, chez le général de Failly qui paraît