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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/780

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interdit à l’idée d’abandonner sa position, quand il reçoit l’ordre de rejoindre Mac Mahon avant la bataille de Frœschwiller.

Le 10 août, l’Empereur fait prendre à l’armée position derrière la Nied ; il évite un désastre certain en la repliant le 11 sur une autre position contre Metz. Dans les batailles de Bazaine, il n’est question que de conservation de positions, de défensive passive.

Au point de vue de l’organisation des marches, le manque de méthode est aussi complet que pour le combat. Est-il rien de plus extraordinaire que la marche du 8 août, prescrite par Bazaine, tenant son armée sur pied pendant plus de douze heures, la fatiguant outre mesure, pour lui faire faire dix-huit kilomètres ! Est-il rien de plus monstrueux que ses ordres du 13 août entassant toute son armée sur une seule route, profondément encaissée, de Metz à Gravelotte !

D’où vient l’inertie de nos troupes, de notre valeureuse infanterie qui n’a jamais eu à attaquer dans les grandes batailles des 14, 16 et 18 août ? D’où vient l’inutilité de notre vaillante cavalerie pour éclairer l’armée au loin ? D’où viennent les difficultés de ravitaillement de l’intendance ? si ce n’est des tergiversations, de l’incapacité du haut commandement.

A quoi faut-il attribuer cette lacune déplorable dans notre préparation à la guerre ? Faut-il en rendre directement responsables nos chefs de 1870 ? N’est-elle pas due plutôt à l’insouciance générale ? à l’esprit d’aveuglement qui a laissé passer, sans en tirer le moindre profit, les admirables enseignemens des guerres napoléoniennes ; à l’absence de toute doctrine de la grande guerre ; au défaut absolu des hautes études de guerre ?


IV

Aussitôt après 1870, l’armée s’est mise au travail avec un élan, un dévouement sans limites. Tout le monde donnait son avis, écrivait, proposait, mais sans méthode ; et, de tous ces efforts aussi généreux que diffus, il ne serait probablement rien sorti d’utile, si la création de l’Etat-major général de l’armée et de l’Ecole supérieure de guerre n’était intervenue.

En France, l’Etat-major général de l’armée dépend du ministre de la Guerre ; et, avec notre constitution, il ne peut pas en être autrement, le ministre étant seul responsable des choses de l’armée devant le Parlement.