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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/79

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V

Cette dernière négociation a été fort accidentée et les tendances libérales, qui semblaient d’abord se produire dans le sens le plus largo, se sont sensiblement atténuées en route. Elles ont donné des résultats utiles la à cause grecque, mais la conclusion a été, comme on va le voir, assez différente de l’exorde. La question se présentait cependant dans des conditions exceptionnellement favorables. En premier lieu, le Congrès l’avait spontanément introduite dans son programme, bien que la Convention de San Stefano n’eût fait à la Grèce qu’une allusion vague, et n’eût rien stipulé pour elle, et que les Cabinets n’eussent pris (ils l’ont toujours déclaré) aucun engagement envers celui d’Athènes. Leur intervention était donc particulièrement significative. En outre, quoiqu’on ne parlât que d’une « rectification de frontières, » comme cette expression est très élastique, elle surexcitait les espérances et les ambitions connues sous le nom d’Hellénisme. Enfin les traditions de plusieurs Puissances, la nécessité de contre-balancer les avantages accordés aux Slaves, recommandaient fortement les revendications grecques à la sollicitude des Cours. Nous croyions donc tous à Berlin que, si la combinaison plus ou moins étendue qui serait adoptée ne satisfaisait pas complètement la Grèce, elle serait en toute hypothèse ferme, incontestable et claire. Mais quoi ? en diplomatie les meilleures sympathies sont sujettes à caution et la réflexion et les circonstances exigent parfois des ajournemens imprévus. La méthode du Congrès, qui consistait à donner d’une main et à retenir de l’autre, dérivait de la situation politique dont il ne pouvait s’isoler, et s’il y avait lieu de croire que sa bonne volonté à l’égard de la Grèce serait plus énergique et plus précise, il fallait aussi s’attendre à des réserves. Tout cela est exact, mais il est également vrai que, dans l’état des choses, et après avoir montré tant d’empressement au début, l’assemblée aurait pu se reprendre un peu moins vite et adopter une résolution moins timide et surtout moins aléatoire.

Sans discuter en ce moment sa conduite, je me borne à constater, en témoin qui a suivi de très près cette campagne diplomatique, les modifications frappantes de sa pensée. Au début, l’opinion des plénipotentiaires était tellement « philhellène »