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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/845

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n’apprisse ses projets. Je les sais depuis longtemps, et je déclare positivement à mon oncle que je lui resterai toujours fidèlement attachée ainsi qu’aux volontés de mon père et de ma mère pour mon mariage, et que je rejetterai toutes les propositions de l’Empereur pour son frère. Je n’en veux pas. Le vœu de mes parens y est contraire, et je prétends suivre en tout les ordres de mon oncle. Je voudrais bien être avec vous à Vérone ; mais je ferai tout mon possible pour vous faire savoir la conversation que l’Empereur aura avec moi.

« Mon oncle, depuis longtemps vous me connaissez ; mais j’espère que vous ne douterez jamais de moi. Ma position est bien difficile et délicate ; mais j’ai confiance en ce Dieu qui déjà m’a secourue, et fait sortir de tant périls. Il ne me fera jamais démentir le sang illustre dont je sors. J’aime mieux être malheureuse avec mes parens, tout le temps qu’ils le seront, que d’être à la cour d’un prince ennemi de ma famille et de ma patrie. Je suis bien reçue dans ses États, mais tout cela ne m’éblouit pas. J’ai autour de moi de bonnes personnes, mais aussi j’en ai de méchantes, car l’Empereur m’a donné une maison dont le prince de Gavre est le Grand Maître ; il aime beaucoup son Empereur, et exécute ponctuellement ses ordres pour que je ne voie personne.

« J’ai une grâce à demander à mon oncle, c’est de pardonner aux Français et de faire la paix. Oui, mon oncle, c’est moi dont ils ont fait périr le père, la mère et la tante, qui vous demande à genoux leur grâce et la paix. C’est pour votre bien. Jamais, vous ne pourrez remonter sur le trône par la voie des armes ; ce n’est que par la douceur, ce qui fait que je vous supplie de faire cesser les guerres qui désolent votre malheureux royaume. Hélas ! si la guerre durait longtemps, vous ne pourriez régner que sur des monceaux de morts Les esprits changent beaucoup, mais la paix leur est nécessaire, et quand ils sauront que c’est à mon oncle qu’ils la doivent, alors ils reviendront entièrement et ils vous adoreront. Mon oncle, vous avez le cœur si bon ! pardonnez-leur, faites cesser la guerre. Hélas ! si mon vertueux père vivait, je suis sûre qu’il le ferait.

« Je vous supplie aussi de faire un nouveau manifeste ; le premier a fait grand bien. Dans Paris, on meurt de faim, et on murmure aussi contre le gouvernement. Dans les provinces, on ne veut plus d’assignats ; on déteste ce qui vient de Paris et on se