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cœur et je profère cet établissement à tout, même à la couronne impériale si elle m’était offerte. L’éclat d’un trône ne m’éblouit pas et j’aime mieux avoir une conscience pure et mener une vie tranquille et retirée au sein de ma famille que tous les trésors du monde. J’accepte donc avec grande joie mon cousin d’Angoulême ; vous ne pouviez faire un choix qui me plût davantage ; je désire beaucoup que ce mariage se fasse bientôt. »

« Il s’est passé bien des choses depuis ma dernière lettre, dit dans une autre Madame Royale. Mme de Soucy, avant son départ de Vienne a voulu absolument voir l’Empereur en particulier. Elle a dit à Sa Majesté Impériale que mes parens ont voulu me marier à mon cousin d’Angoulême. L’Empereur a répondu que ce n’était pas un secret, que tout le monde le savait et le trouvait tout simple ; que pour lui en particulier il l’approuvait fort et le trouvait fort juste, mais qu’il ne croyait pas que ce fût le temps pour ce mariage ; qu’il fallait attendre les circonstances ; que cependant, si je voulais le faire tout de suite, j’en étais la maîtresse. »

En narrant ces détails à son oncle, Madame Royale ne dissimule pas la surprise et le mécontentement que lui a causés l’initiative prise par Mme de Soucy, qui n’avait reçu de personne la mission de parler à l’Empereur. Elle blâme « le bavardage et l’importance que cette dame a voulu se donner. » Elle proteste enfin contre le bruit, qu’on a eu l’impudeur de faire courir à Vienne, qu’il existait en France un parti pour elle et qu’elle aspirait à la couronne.

« Quelle indignité et quelle extravagance ! Dans les temps les plus affreux, j’ai été fidèle à mes parens et à mes souverains et je leur serai attachée jusqu’à la mort. Je suis absolument bien loin de désirer un trône dont on a renversé mon père. Je vous serai, mon oncle, toujours bien attachée et bien fidèle. Mais on veut me brouiller avec vous. J’espère qu’on n’y parviendra jamais… Je ne sais qu’aimer mon oncle, rendre au Roi tout ce que je lui dois et remercier aussi l’Empereur du fond du cœur de ma liberté et de la manière dont il me traite. Tout ce qu’on a dit n’a pas un mot devrai. Tout est su, tout est éclairé. L’Empereur sait la volonté de mes parens et l’approuve beaucoup. Jamais il n’a eu d’idées contre les vôtres. Il approuve tout. Mais il croit que cela n’est pas le temps. »

La vivacité que met Madame Royale à se disculper des