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desseins ambitieux qu’on lui a faussement attribués suggère au Roi et à d’Avaray la pensée que le cabinet de Vienne, voyant son plan déjoué, par leur habileté comme par la loyauté de la princesse, affecte maintenant de ne l’avoir jamais conçu, mais qu’en fait, il s’était efforcé de le faire aboutir, en affaiblissant dans Madame Royale le sentiment de son devoir envers sa famille française. Maintenant, on peut croire qu’il y renonce. Toutefois, il convient de se tenir en garde contre quelqu’une de ces ruses familières aux ministres de l’Empereur et que permet encore de soupçonner l’insistance qu’a mise ce souverain à convaincre sa cousine que son mariage avec le Duc d’Angoulême ne saurait avoir lieu en ce moment. N’est-ce pas un moyen de la retenir à Vienne et de la disposer à contracter une autre union ? Bien qu’on devine ces craintes dans les notes de d’Avaray, elles n’apparaissent pas dans la réponse du Roi à sa nièce.

« Je vous regarde comme l’ange que Dieu a suscité pour adoucir les maux dont sa Providence a permis que nous fussions accablés, et je suis sûr que ce sera l’effet de votre union avec mon neveu qui de son côté, j’en réponds, mérite le bonheur qui lui est destiné. Le suffrage de l’Empereur me fait plaisir, mais il ne m’étonne pas. Ce prince est trop éclairé pour blâmer une union si naturelle et vous avez vu le peu de foi que j’ajoutais à des calomnies inventées sans doute par nos perfides ennemis. Quant au moment du mariage, je ne puis moi-même choisir encore ce moment. J’attends très incessamment des nouvelles qui me détermineront sur la direction que je dois donner à mon neveu. »

On voit que la première colère du Roi contre l’Empereur est tombée. Mais Madame Royale n’en sait rien encore. Elle le croit toujours irrité et le désir de le calmer la pousse à confirmer avec de nouveaux détails ce qu’elle lui a écrit déjà trop brièvement à son gré, n’osant s’expliquer plus clairement, alors qu’elle était obligée de recourir à la poste. Le 12 mars, elle peut lui écrire par une voie plus sûre ; et elle parle sans réticences :

« Je vous prie de regarder tout ce que je vais vous dire comme la vérité et une justice que je dois à l’Empereur ; mais, malgré cela, vous savez que je vous préfère et toute ma famille française à celle de ce pays-ci, quelque amitié qu’ils me témoignent. Vous avez encore peur des discours qu’on a tenus à Inspruck. Je vous ai déjà assuré, et je vous le répète encore, qu’il