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s’est servie l’autre jour de moyens qui ne me conviennent pas ; quand on fait le bien, on ne doit pas se cacher. On trouve extrêmement juste que vous m’écriviez, et je vous jure qu’on ne lit jamais vos lettres ni les miennes. Je suis obligée de vous prévenir que la lettre que Mme de Guiche m’a remise était tout ouverte.

« Je suis ici aussi heureuse que je puis l’être ; j’ai des maîtres pour m’occuper. Je vois très souvent les archiduchesses, qui sont de mon âge ; c’est une très agréable société, et je vous réponds qu’il n’y a pas de jours que je ne pense à vous et j’en parle souvent avec les archiduchesses, ainsi que de toute ma famille française que j’aime et chéris beaucoup et que j’espère bien revoir cette année. Je ne doute pas que l’Empereur ne me laisse partir quand je le demanderai ; mais, au nom du ciel, je vous supplie de vous calmer et d’être bien persuadé que je ne suis pas captive ; si je l’étais, je le dirais tout de suite, et je ne resterais pas un moment tranquille ; mais cela n’est pas vrai et je vous supplie de ne pas écouter ce que de malheureuses têtes peut-être un peu trop vives pourront dire là-dessus. Je vous réponds de vous dire toujours l’exacte vérité. Je vous prie aussi d’être bien persuadé de mes sentimens pour vous, et que je n’ai eu d’autre intention, dans cette lettre, que de dire la vérité et de rendre justice à qui le mérite. Vous me parlez de mon caractère et je vous réponds qu’il ne se démentira jamais, et si je reste ici à présent, je crois que c’est nécessaire pour quelques mois, mais je ne perds jamais de vue le dessein de me réunir à ma famille, et ce dessein, s’il plaît a Dieu, s’exécutera cet été. Adieu, mon cher oncle, calmez-vous et comptez toujours sur moi tant que je vivrai.

« L’archiduc Charles est parti ce matin pour l’armée, cela doit vous rassurer. Quand il reviendra, assurément je ne serai plus ici ; vous voyez bien qu’on n’a aucun dessein, et Joseph est en Hongrie et ne compte pas venir ici de sitôt. Donc, vous voyez qu’il n’y a rien à craindre. Les cinq autres sont des enfans.

« Mme de Soucy m’accable de lettres. Elle fait un train affreux de ce que Hue et Cléry sont restés à Vienne et qu’elle est partie. Je ne sais si vous êtes content d’elle ; mais pour moi, je trouve qu’elle aurait bien mieux fait de se tenir tranquille ; elle n’a pas d’esprit du tout, et elle dit du mal de beaucoup de monde.

« On espère la paix cette année. Je désirerais bien que toutes