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n’y en a pas un mot de vrai : l’Empereur ne pense pas du tout à ce mariage, et je vous prie de ne pas écouter les bruits que ses ennemis ou ceux qui ne le connaissent pas font courir contre lui. J’espère que vous avez assez de confiance en moi pour savoir que je rejetterais les propositions de l’Empereur s’il m’en faisait là-dessus ; mais, loin d’y penser, il sait la volonté de mes parens pour mon cousin d’Angoulême, et il la respecte, et je suis sûre qu’il ne désire pas autre chose.

« On se plaint que je suis captive parce que je ne vois personne ; mais c’est moi qui ai demandé d’être seule ; il ne me convenait pas, étant en grand deuil et dans ma position, de voir du monde. A présent que mon deuil va finir à Pâques, je verrai un peu de monde ; mais tout ceci c’est ma volonté ; l’Empereur ne fait que ce que je désire. Vous vous plaignez de ce que l’évêque de Nancy n’a pas pu me remettre une lettre de votre part ; si fait, il me les a toutes fait passer, et je l’ai vu lui-même, il y a quelques jours, une heure en particulier.

« Vous vous plaignez de ce qu’on a renvoyé Mme de Soucy ; l’Empereur a cru par-là faire quelque chose qui vous serait agréable. Pouvait-il garder une femme qui demandait à « s’en aller, une femme que la république avait chargée de me suivre ? » Pouvait-il garder une femme qui a un monstre pour frère ? Elle pouvait penser bien, mais tout était contre elle, et même les propos qu’elle a tenus ici. Quand elle est venue me voir, on a été bien loin de compter les minutes, et c’est elle qui a demandé à s’en aller la première.

« J’ai vu Hue et Cléry, mais à présent qu’ils n’ont rien à me dire, il n’est pas nécessaire que je les voie. L’Empereur, à ma prière, leur a fait un sort et je désire qu’ils soient heureux, et je ferai mon possible pour que cela soit.

« Je reçois tous les jours des lettres de Français émigrés, et j’ai chargé l’évêque de Nancy de leur répondre pour moi. Je vous écris aussi tant que je veux, et je vous jure que mes lettres ni les vôtres ne sont jamais lues excepté à la poste, mais c’est nécessaire en temps de guerre. Voilà ce qui se passe, et cela doit vous prouver que je ne suis pas captive. Je vous supplie de ne pas écouter tous ces bruits qui ne servent qu’à vous rendre plus malheureux et moi aussi, car votre lettre m’a extrêmement peinée. Je vous prie d’envoyer toujours vos lettres pour moi à l’évêque de Nancy qui me les fera remettre. Mme de Guiche