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trompés par des lueurs d’espérances que je n’ose m’y fier à présent. » Elle était cependant heureuse que son oncle eût été bien reçu à l’armée et que les républicains « accourus pour le voir eussent été touchés de ce qu’il leur avait dit. » — « Puissent-ils se lasser d’une guerre qu’ils font si injustement. Je désire de tout mon cœur que votre présence à l’armée rappelle ces malheureux Français à leur devoir. C’est une chose affreuse que cette invasion. Je suis charmée que vous ne soyez plus à Vérone, car à présent que les républicains sont maîtres du nord de l’Italie, je serais dans de grandes inquiétudes pour vous. Heureusement que vous n’y êtes plus et que vous êtes en sûreté au milieu d’une armée qui vous défendrait bien si on venait vous attaquer. La seule chose que j’ose vous demander, c’est de ne pas trop vous exposer d’un côté de la frontière, car on ne peut pas être tranquille avec ces républicains. »

Quand il reçut ce témoignage de tendre sollicitude, le Roi n’était plus exposé aux périls que la princesse redoutait pour lui. Mais, il venait d’en courir un non moins grave et d’y échapper presque miraculeusement. Arrivé à Dillingen où l’avait conduit la retraite de l’armée royale, il s’y trouvait encore dans une pauvre auberge, le 19 juillet. Le soir venu, fatigué par la chaleur, et d’Avaray l’ayant quitté pour rentrer chez lui, il s’était mis vers dix heures à la fenêtre de sa chambre, le duc de Fleury et le duc de Guiche à ses côtés. Il y était depuis dix minutes lorsqu’un coup de carabine partit d’une arcade voisine. La balle l’atteignit au sommet de la tête, frappa le mur et tomba dans la chambre. Au mouvement qu’il fit, les deux gentilshommes poussèrent des cris, appelèrent du secours. D’Avaray revint sur ses pas. En voyant leur maître inondé de sang, ils le crurent mortellement blessé. Il les rassura.

« — Ce n’est rien du tout ; vous voyez bien que je suis resté debout, quoique le coup fût à la tête.

« — O mon maître, gémit d’Avaray, si le malheureux eût frappé une ligne plus bas !

« — Eh bien ! mon ami, le roi de France se nommerait maintenant Charles X. »

La blessure était légère et les soins des chirurgiens la guérirent en peu de jours. Les recherches auxquelles procédèrent les autorités de Dillingen pour découvrir l’assassin furent vaines et n’aboutirent qu’à établir qu’il était étranger au pays. « Il a