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pu croire son crime accompli, écrit d’Avaray, et est allé en recevoir le salaire. » Il soupçonnait cet inconnu d’avoir été soudoyé par Bassal et Poteratz, les agens du Directoire dont il est parlé plus haut. Il est certain qu’à Bâle, ces deux personnages intriguaient et s’agitaient contre les princes et les émigrés. Mais, il n’y a pas lieu de s’arrêter à ces incidens obscurs et confus. Il suffira de constater que la blessure du Roi le retint durant une semaine à Dillingen. Il la passa dans l’attente des événemens. Lorsque, étant rétabli, il eut acquis la certitude que la retraite des Autrichiens était définitive, il se détermina à laisser au prince de Condé le soin de remplir envers l’Empereur les engagemens du corps qu’il commandait et qui était encore à la solde de l’Autriche. Ce corps étant menacé dans son existence par le mauvais vouloir de la cour de Vienne, Louis XVIII ne voulait pas, en y restant, exposer le roi de France à être licencié par l’empereur François II. Il s’éloigna donc, « conséquent avec lui-même, montrant qu’il était venu sur le Rhin faute d’avoir pu atteindre la Vendée et prouvant à son peuple que sa volonté était de lui porter l’olivier de la paix, et non de verser le sang français pour des intérêts qui n’étaient pas ceux de la France. »

Il ne savait encore en quels lieux il se réfugierait. Les hasards de sa marche l’ayant conduit à Blanckeuberg, il résolut de s’y fixer provisoirement, autorisé par le duc régnant de Brunswick. Mais, cette principauté, enclavée dans les États prussiens et protégée par le roi de Prusse, ne pouvait lui offrir qu’un asile temporaire. Il le savait et, bien que son séjour dût s’y prolonger quinze mois, il comptait, en y arrivant, n’y rester que le temps de recevoir des réponses du tsar Paul Ier à qui, avant même de quitter Riegel, il s’était adressé pour obtenir un asile plus stable et plus sûr. Ce n’est donc pas à Blanckenberg qu’il pouvait songer à appeler sa nièce et moins encore à procéder à son mariage. Son existence demeurait toujours trop incertaine et c’eût été cruauté de jeter une jeune fille dans les aventures qu’il était encore exposé à courir. Aussi, dès ce moment, renonçait-il même à l’envoyer à Rome comme il en avait précédemment le dessein. Puisqu’elle déclarait être heureuse à Vienne et désirer attendre là le moment de son mariage, il se décidait à l’y laisser sous la protection de l’Empereur.

En le lui mandant, après son arrivée à Blanckenberg, il entrait dans quelques détails sur les douloureux événemens